28
avril 1985. Je suis à
l'Université de Montréal,
devant l'endroit où on a jeté
le cadavre de mon petit frère
Guillaume une semaine plus
tôt. Des gens l'ont
embarqué dans le coffre d'une
automobile pour venir le jeter
ici, comme un
sac-poubelle. Assassinat
? Accident lié à la
drogue alors qu'il n'en prenait
plus depuis plus d'un an ?
Je ne sais pas. Je ne sais
plus. |
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Une
partie de moi est morte la
semaine passée. Je
regarde ce bout de terrain où
son corps a été
découvert. Hébété,
perdu, triste, désespéré,
enragé, je crois, je n'en suis
pas encore sûr. Ça
viendra. |
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Je
deviendrai colère pure contre
ceux qui ont fait ça, contre ma
famille et surtout contre
moi-même. Je n'ai pas
été là, je n'ai pas su le
protéger, je l'ai trop emmerdé
quand nous étions jeunes.
C'a l'air inoffensif à
l'enfance, mais quand on
retrouve le cadavre de son petit
frère dans un fossé, ça
cogne. |
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Je
resterai dans cet état
longtemps, ce qui aggravera une
période d'autodestruction
intense. Autodestruction
que ressent aussi mon père et
qui aura finalement raison de
lui quelques années plus tard :
il se laissera volontairement
mourir. |
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Moi,
je serai sauvé par le Refuge
des jeunes de Montréal.
Organisme extraordinaire qui
lutte pour qu'on ne retrouve pas
d'autre petit gars dans un
fossé. J'apprendrai avec
eux, et principalement avec leur
directrice, mon amie France
Labelle, à ne jamais laisser
l'horreur inutile. |
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Cela
s'appelle l'utilitarisme.
Prendre ce qui est sombre - et
même noir - à l'intérieur et
essayer de le rendre beau.
Dans mon cas, par la musique, la
poésie, la création. Je
ne succomberai pas comme mon
père. J'essaierai de
toute mon âme de faire partie
de la solution. |
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Dan
Bigras |
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Préface
de "Vivre" |
Les
Éditions Libre Expression |
2008 |
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