Harcèlement moral et pervers narcissique ou le double piège du manipulateur ! Marie-France Hirigoyen, psychiatre, psychanalyste et psychothérapeute s’intéresse, dans ce livre, à un sujet répandu dans le quotidien de chacun. Le succès de cet ouvrage auprès du public atteste de la réalité et de la difficulté de subir cette forme de violence perverse qu’est le harcèlement moral. Marie-France Hirigoyen met en lumière les stratégies meurtrières de nombre d'individus qu'elle qualifie de " pervers narcissiques " et qui s'acharnent à briser les autres à travers un comportement sournois et des paroles blessantes. Ces individus arrivent à détruire leur victime par des paroles d'humiliation, des ambiguïtés, des mots qui tuent et une attitude déstabilisante qui paralyse. Ce livre, largement documenté s’appuie sur de nombreux témoignages de victimes, et il permet au lecteur de s’informer pour ne pas rester indifférent à des pratiques sur lesquelles il peut nous arriver de fermer les yeux au nom d’une mauvaise forme de tolérance qui prévaut dans notre culture. Ce livre peut aider à mieux se connaître, comprendre pourquoi l’on a été victime, avoir une prise de conscience, apprendre à se libérer et à se protéger. Il peut se révéler une aide très précieuse. Voici quelques extraits du livre de Marie-France Hirigoyen : "Le harcèlement moral".
Ils culpabilisent à outrance leur proie, ne supportent pas d’avoir tort, sont incapables de discussions ouvertes et constructives; ils bafouent ouvertement leur victime, n’hésitant pas à la dénigrer, à l’insulter autant que possible sans témoins, sinon ils s’y prennent avec subtilité, par allusions, tout aussi destructrices, mais invisibles aux regards non avertis. Comme les vampires, le Narcisse vide a besoin de se nourrir de la substance de l’autre. Quand il n’y a pas la vie, il faut tenter de se l’approprier ou, si c’est impossible, la détruire pour qu’il n’y ait de vie nulle part. Les pervers narcissiques sont envahis par un autre dont ils ne peuvent se passer. Cet autre n’est même pas un double, qui aurait une existence, seulement un reflet d’eux-mêmes. D’où la sensation qu’ont les victimes d’être niées dans leur individualité. La victime n’est pas un individu autre, mais seulement un reflet. Toute situation qui remettrait en question ce système de miroirs, masquant le vide, ne peut qu’entraîner une réaction en chaîne de fureur destructrice. Ils ne souffrent pas. Ils attaquent en toute impunité car même si, en retour, les partenaires utilisent des défenses perverses, ils ont été choisis pour n’atteindre jamais à la virtuosité qui les protégerait. Les pervers peuvent se passionner pour une personne, une activité ou une idée, mais ces flambées restent très superficielles. Ils ignorent les véritables sentiments, en particulier les sentiments de tristesse ou de deuil. Les déceptions entraînent chez eux de la colère ou du ressentiment avec un désir de revanche. Cela explique la rage destructrice qui s’empare d’eux lors des séparations. Quand un pervers perçoit une blessure narcissique (défaite, rejet) il ressent un désir illimité d’obtenir une revanche. Ce n’est pas, comme chez un individu coléreux, une réaction passagère et brouillonne, c’est une rancune inflexible à laquelle le pervers applique toutes ses capacités de raisonnement. Les pervers, tout comme les paranoïaques, maintiennent une distance affective suffisante pour ne pas s’engager vraiment. L’efficacité de leurs attaques tient au fait que la victime ou l’observateur extérieur n’imaginent pas qu’on puisse être à ce point dépourvu de sollicitude ou de compassion devant la souffrance de l’autre. Le partenaire n’existe pas en tant que personne mais en tant que support d’une qualité que les pervers essaient de s’approprier. Les pervers se nourrissent de l’énergie de ceux qui subissent leur charme. Ils tentent de s’approprier le narcissisme gratifiant de l’autre en envahissant son territoire psychique. Passant à côté d’eux-mêmes, ils essaient de détruire le bonheur qui passe près d’eux. Prisonniers de la rigidité de leurs défenses, ils tentent de détruire la liberté. Ne pouvant jouir pleinement de leur corps, ils essaient d’empêcher la jouissance du corps des autres, même chez leurs propres enfants. Étant incapables d’aimer, ils essaient de détruire par cynisme la simplicité d’une relation naturelle. Il y a chez eux une exacerbation de la fonction critique qui fait qu’ils passent leur temps à critiquer tout et tout le monde. De cette façon, ils se maintiennent dans la toute-puissance : « Si les autres sont nuls, je suis forcément meilleur qu’eux. » Le moteur du noyau pervers, c’est l’envie, le but de l’appropriation. L’envie est un sentiment de convoitise, d’irritation haineuse à la vue du bonheur, des avantages d’autrui. Il s’agit d’une mentalité d’emblée agressive qui se fonde sur la perception de ce que l’autre possède et dont on est dépourvu. Cette perception est subjective, elle peut même être délirante. L’envie comporte deux pôles : l’égocentrisme d’une part et la malveillance, avec l’envie de nuire à la personne enviée, d’autre part. Cela présuppose un sentiment d’infériorité vis-à-vis de cette personne, qui possède ce qui est convoité. L’envieux regrette de voir l’autre posséder des biens matériels ou moraux, mais il est plus désireux de les détruire que de les acquérir. S’il les détenait, il ne saurait pas quoi en faire. Il ne dispose pas de ressources pour cela. Pour combler l’écart qui sépare l’envieux de l’objet de sa convoitise, il suffit d’humilier l’autre, de l’avilir. Ils cassent tout enthousiasme autour d’eux, cherchent avant tout à démontrer que le monde est mauvais, que les autres sont mauvais, que le partenaire est mauvais. Par leur pessimisme, ils entraînent l’autre dans un registre dépressif pour, ensuite, le lui reprocher. Le désir de l’autre, sa vitalité, leur montre leurs propres manques. On retrouve là l’envie, commune à bien des êtres humains, du lien privilégié que la mère entretient avec son enfant. C’est pour cela qu’ils choisissent le plus souvent leurs victimes parmi des personnes pleines d’énergie et ayant goût à la vie, comme s’ils cherchaient à s’accaparer un peu de leur force. L’état d’asservissement, d’assujettissement de leur victime à l’exigence de leur désir, la dépendance qu’ils créent leur fournit des témoignages incontestables de la réalité de leur appropriation. L’appropriation est la suite logique de l’envie. Les biens dont il s’agit ici sont rarement des biens matériels. Ce sont des qualités morales, difficiles à voler : joie de vivre, sensibilité, qualités de communication, créativité, dons musicaux ou littéraires... Lorsque le partenaire émet une idée, les choses se passent de telle façon que l’idée émise ne reste plus la sienne mais devient celle du pervers. Si l’envieux n’était pas aveuglé par la haine, il pourrait, dans une relation d’échange, apprendre comment acquérir un peu de ces dons. Cela suppose une modestie que les pervers n’ont pas. Les pervers narcissiques s’approprient les passions de l’autre dans la mesure où ils se passionnent pour cet autre ou, plus exactement, ils s’intéressent à cet autre dans la mesure où il est détenteur de quelque chose qui pourrait les passionner. Il met en doute les qualités, la compétence, la personnalité des autres : il critique sans en avoir l’air, dévalorise et juge. Il sème la zizanie et crée la suspicion autour de lui, chez ses proches ou avec ses collègues de travail… peut parfaitement tenir un discours donné avec Mme X et dire exactement le contraire, 3 minutes plus tard avec Mme Y. Ils ont un total mépris pour toutes lois ou contrainte morales. Leur morale est, le plus souvent, celle de la morale ou la loi du plus fort et/ou du plus rusé, du plus retors. Il y a le plus souvent, dans leur comportement, la banalisation du mal, une certaine « relativisation » de la morale, dans le cadre d’un nihilisme opérationnel, qui peut même être militant. Ils n’ont du respect que pour les gens plus forts qu’eux, ayant plus de pouvoir et de richesse ou plus combatifs qu’eux. Faire preuve d’humanité, de sensibilité est souvent vu par eux comme l’expression d’une forme de naïveté ou de sensiblerie qui n’a pas lieu d’être. Seuls les résultats comptent : « la fin justifie les moyens ». Le pervers narcissique n’éprouve aucun respect pour les autres. Le pervers narcissique est toujours, intérieurement, dans la peau d’un autre, il n’est jamais sincère, toujours menteur. Il peut aussi bien dire la vérité que mentir avec aplomb, d’une façon jusqu’au boutiste (comme un « arracheur de dent »). Le plus souvent, il effectue de sensibles falsifications de la vérité, qu’on ne peut pas vraiment qualifier de mensonges, et encore moins de constructions délirantes. Mélanger le mensonge, la sincérité et la franchise - ce qui est, pour l’autre, très déstabilisant - fait partie de son jeu. Souvent immensément orgueilleux, voire mégalomane, le pervers narcissique aime gagner, à tout prix, sans fin, et ne peut admettre, une seule fois, de perdre. Il est prêt à tout, même aux coups les plus retords, pour ne jamais perdre. Le pervers est comme un enfant gâté. S’il ne rencontre pas de résistance, il ira toujours plus loin.
Le pervers narcissique adore se valoriser, paraître plus qu’il n’est réellement. Toute atteinte à la haute image qu’il a de lui-même le rend très méchant, agressif. Tous ses efforts viseront alors à rétablir cette image flatteuse qu’il a de lui-même, et ce par tous les moyens, y compris par la destruction du perturbateur, celui qui a commis le crime de lèse-majesté. Il a une très haute opinion de lui-même. Les autres sont pour lui quantités négligeables - ce sont des larbins, des domestiques, des « peanuts »… Il déteste qu’on lui fasse de l’ombre, qu’on se mette en avant, qu’on prenne de l’ascendant sur lui, qu’on lui résiste, qu’on lui dise non. Il a besoin sans cesse de rabaisser autrui, par une petite pique de-ci, de-là (untel n’a pas de personnalité, untel est égoïste, untel est ingrat, untel est pingre…). Un plaisir pervers s’éprouve dans la vision de la souffrance de l’autre. Le pervers ressent une jouissance extrême, vitale, à voir l’autre souffrir, à le maintenir dans le doute, à l’asservir et à l’humilier. Il prend le plus souvent ses victimes parmi des personnes pleines d’énergie et d’amour de la vie, pour les vampiriser et les « dévitaliser ». Il choisit de préférence des personnes honnêtes, sincères, gentilles, qui cherchent vraiment à consoler et à réparer, mais aussi naïves, sans trop d’esprit critique, voire fragiles, afin de les amener plus facilement et plus rapidement à accepter une relation de dépendance. Les pervers narcissiques mariés ont souvent des épouses soumises qui ont sans doute peur de perdre leur « homme » et ne posent aucune question, même devant des évènements très troublants. Leur relation avec leur mari est loin d’être parfaite, mais elles s’en contentent. Elles espèrent toujours se tromper sur son compte, ou le corriger avec leur amour. On remarque que ces épouses (ou époux, le pervers narcissique n’est pas nécessairement masculin) se retrouvent un peu dans la même situation que celles des femmes battues. Elles subissent graduellement un lavage de cerveau, d’autant plus facilement qu’elles-mêmes sont souvent à la recherche d’un compagnon qui puisse les structurer. Elles peuvent même trouver excitant le côté sombre de leur partenaire. Elles peuvent être au courant de ses antécédents (problèmes de mœurs, prison, mauvaises actions racontées à l’envi par le pervers à son partenaire etc.) et pourtant tout lui pardonner. Le pervers agit à l’abri des regards. Les maltraitances sont rarement sous le feu des projecteurs, mais plutôt perpétrées dans le secret des alcôves. Les pervers sont les professionnels de la double vie et de la double personnalité. Par prudence, il divisera et cloisonnera ses relations, afin qu’on ne puisse pas recouper ses mensonges ou que ses victimes ne risquent pas de se s’allier contre lui. Sa technique, dans ce domaine, finit par être magistrale. Le pervers narcissique se complaît dans l’ambiguïté. Par ses messages paradoxaux, doubles, obscurs, il bloque la communication et place sa victime dans l’impossibilité de fournir des réponses appropriées, puisqu’elle ne peut comprendre la situation. Elle s’épuise à trouver des solutions qui seront par définition inadaptées et rejetées par le pervers dont elle va susciter les critiques et les reproches. Complètement déroutée, elle sombrera dans l’angoisse ou la dépression (voir Marie-France Hirigoyen, « Le Harcèlement Moral », « La communication perverse », p. 111). Le pervers narcissique a le talent de diffamer sans avoir l’air d’y toucher, prudemment, en donnant l’apparence de l’objectivité et du plus grand sérieux, comme s’il ne faisait que rapporter des paroles qui ne sont pas les siennes. Souvent il ne porte pas d’accusation claire, mais se contente d’allusions voilées, insidieuses. Comme un rusé paysan, il est capable parfois de se faire passer pour bête et naïf, prêchant le faux pour savoir le vrai. Un très bon moyen de guerre psychologique pour tirer les vers du nez d’une personne trop pleine de certitudes. Au pénal, les pervers narcissiques ne bénéficient généralement pas d’une responsabilité altérée ou atténuée, comme on l’a vu dans le procès de Jean-Claude Romand : Le pervers connaît la loi et il est conscient de ce qu’il fait (simplement, il le fait quand même par défi, par jeu, pour le frisson). Donc il reste responsable de son choix (en tout cas, il semble être responsable pénalement). Source : Marie-France Hirigoyen : « Le Harcèlement Moral »
Il est possible de détruire quelqu’un juste avec des mots, des regards, des sous-entendus : cela se nomme pour M.F. Hirigoyen la violence perverse ou le harcèlement moral. Comment comprendre, analyser, vaincre ce type de violences Quelles solutions, quelles parades y apporter. Nous résumons ici l’ouvrage « Le harcèlement moral » dont le sous-titre est La violence perverse au quotidien de M.F. Hirigoyen. Le livre est publié en collection de poche chez Pocket. Présenté en formation continue, ce livre et la lecture qu’en ont faite certains collègues a constitué une véritable libération. Victimes de harcèlement moral, ils avaient enfoui ce vécu dans les profondeurs de leur inconscient. Le réveil de cette série de blessures, la prise de conscience des manœuvres dont ils avaient été victimes, la lecture des exemples cliniques dans lesquels ils se retrouvaient les a aidé à dépasser un vécu douloureux. La violence perverse au quotidien De petits actes pervers sont si quotidiens qu’ils paraissent la norme. Cela commence par un simple manque de respect, du mensonge ou de la manipulation. Nous ne trouvons pas cela insupportable que si nous sommes atteints directement. Puis, si le groupe social dans lequel ces conduites apparaissent ne réagit pas, cela se transforme progressivement en conduites perverses avérées qui ont des conséquences graves sur la santé psychologique des victimes. N’étant pas sûres d’être entendues, celles-ci se taisent et souffrent en silence. Cette destruction morale existe depuis toujours, dans les familles où elle reste cachée, et, dans l’entreprise où l’on s’en accommodait en période de plein emploi car la victime avait la possibilité de partir. Aujourd’hui, celles-ci s’accrochent désespérément à leur poste de travail au détriment de leur santé tant physique que psychique. Quelques-unes se sont révoltées, ont quelquefois intenté des procès; le phénomène commence à être médiatisé et cela amène la société à s’interroger. Il est courant dans nos pratiques d’êtres témoins d’histoire de vie où l’on discerne mal la réalité extérieure de la réalité psychique. Ce qui frappe dans tous ces récits de souffrance c’est la récurrence, ce que chacun croyait singulier est partagé par beaucoup d’autres. La difficulté des transcriptions cliniques réside dans le fait que chaque mot, chaque intonation, chaque allusion ont de l’importance. Tous les détails, pris séparément, paraissent anodins, mais leur ensemble crée un processus destructeur. La victime est entraînée dans ce jeu mortifère et peut réagir elle-même en retour sur un mode pervers, car ce mode de relation peut être utilisé par chacun de nous dans un but défensif. C’est ce qui peut amener à parler de complicité de la victime avec son agresseur. De nombreuses séquences d’agressivité et/ou de violence peuvent être liées ou déclenchées par le harcèlement moral. C’est pour cette raison que chaque fois que l’on parle de violences, il faut en décrire très précisément le contexte. On risque sinon de contribuer à accréditer l’idée que c’est la victime qui en est l’auteur, et qu’elle seule doit en payer les conséquences. La notion de harcèlement moral montre que les choses sont bien différentes et surtout beaucoup plus complexes. Il existe des soignants qui sont des harceleurs moraux même si chacun de nous peut à un moment ou à un autre adopter une attitude perverse. M.F. Hirigoyen note qu’un même individu tend à reproduire son comportement destructeur dans toutes les circonstances de sa vie, sur son lieu de travail, dans son couple, avec ses enfants, et c’est cette continuité qu’elle veut souligner. Il est ainsi des individus qui jonchent leur parcours de cadavres ou de morts-vivants. Cela ne les empêche pas de donner le change par ailleurs et de paraître tout à fait adaptés à la société. La violence privée La violence perverse dans le couple est souvent niée ou banalisée, réduite à une simple relation de domination. La tentation est souvent grande chez le soignant de rendre le partenaire complice voire même responsable de l’échange pervers. C’est nier la dimension d’emprise qui paralyse la victime et l’empêche de se défendre, c’est nier la violence des attaques et la gravité du retentissement psychologique du harcèlement sur la victime. Les agressions sont subtiles, il n’y a pas de traces tangibles et les témoins tendent à interpréter comme de simples relations conflictuelles ou passionnelles entre deux personnes caractérielles ce qui est une tentative violente de destruction morale et même physique de l’autre, parfois réussie. L’emprise Dans le couple, le mouvement pervers se met en place quand l’affectif fait défaut, ou bien lorsqu’il existe une trop grande proximité avec l’objet aimé. Trop de proximité peut faire peur et, par là même, ce qui va faire l’objet de la plus grande violence est ce qui est le plus intime. Un individu narcissique impose son emprise pour retenir l’autre, mais il craint que l’autre ne soit trop proche, ne vienne l’envahir. Il s’agit donc de le maintenir dans une relation de dépendance ou même de propriété pour vérifier sa toute puissance. Le partenaire englué dans le doute et la culpabilité ne peut réagir. Le message non dit est « Je ne t’aime pas », mais il est occulté pour que l’autre ne parte pas, et il est agi de façon indirecte. Le partenaire doit rester là pour être frustré en permanence; il faut en même temps l’empêcher de penser afin qu’il ne prenne pas conscience du processus. L’emprise est mise en place par un individu narcissique qui veut paralyser son partenaire en le mettant en position de flou et d’incertitude. Cela lui évite de s’engager dans une position de couple qui lui fait peur. Par ce processus, il met l’autre à distance, dans des limites qui ne lui paraissent pas dangereuses. S’il ne veut pas être envahi par l’autre, il lui fait subir pourtant ce qu’il ne veut pas subir lui-même, en l’étouffant et en le maintenant « à disposition ». L’origine de cette tolérance se retrouve dans une loyauté familiale qui consiste, par exemple, à reproduire ce que l’un des parents a vécu, ou bien dans l’acceptation d’un rôle de personne réparatrice pour le narcissisme de l’autre, une sorte de mission où l’on aurait à se sacrifier. La violence La violence perverse apparaît dans les moments de crise quand un individu qui a des défenses perverses ne peut pas assumer la responsabilité d’un choix difficile. Elle est alors indirecte, essentiellement dans le non-respect de l’autre. Le refus de la responsabilité d’un échec conjugal est souvent à l’origine d’une bascule perverse. Un individu qui a un fort idéal de couple, présente des relations apparemment normales avec son partenaire jusqu’au jour où il doit faire le choix entre cette relation et une nouvelle rencontre. La violence perverse sera d’autant plus importante que l’idéal de couple était grand. Il n’est pas possible d’accepter cette responsabilité qui doit être entièrement portée par l’autre. S’il y a un retrait d’amour, le partenaire en est tenu pour responsable, pour une faute qu’il aurait commise et qui n’est pas nommée. Ce retrait d’amour est le plus souvent nié verbalement, tout en étant agi. La prise de conscience de la manipulation ne peut que mettre la victime dans un état d’angoisse terrible qu’elle ne peut évacuer puisqu’elle n’a pas d’interlocuteur. En plus de la colère, les victimes à ce stade éprouvent de la honte, honte de ne pas avoir été aimées, honte d’avoir accepté ces humiliations, honte d’avoir subi. Parfois, il ne s’agit pas d’un mouvement pervers transitoire, mais de la révélation d’une perversion jusqu’ici occultée. La haine qui était masquée apparaît au grand jour, très proche d’un délire de persécution. Les rôles sont ainsi inversés, l’agresseur devient l’agressé et la culpabilité reste toujours du même côté. Pour que cela soit crédible, il faut disqualifier l’autre en le poussant à un comportement répréhensible. Pour pouvoir idéaliser un nouvel objet d’amour et maintenir la relation amoureuse, un pervers a besoin de projeter tout ce qui est mauvais sur un bouc émissaire. Tout ce qui est obstacle à une nouvelle relation amoureuse doit être détruit comme objet gênant. Ainsi, pour qu’il y ait de l’amour, il faut qu’il y ait de la haine quelque part. La nouvelle relation amoureuse se construit sur la haine du partenaire précédent. La séparation Les procédés pervers sont utilisés très habituellement lors des divorces et des séparations. Il s’agit alors d’un procédé défensif que l’on ne peut pas d’emblée considérer comme pathologique. C’est l’aspect répétitif et unilatéral du processus qui amène l’effet destructeur. Lors des séparations, le mouvement pervers, jusqu’alors sous-jacent, s’accentue, la violence sournoise se déchaîne, car le pervers narcissique sent que sa proie lui échappe. La séparation ne vient pas interrompre la violence, elle se poursuit à travers les quelques liens relationnels qui peuvent exister, et quand il y a des enfants elle passe à travers eux. Cela constitue ce que les Américains nomment le stalking, c’est-à-dire le harcèlement. Le harcèlement est le fait d’anciens amants ou conjoints qui ne veulent pas lâcher leur proie, envahissent leur « » de leur présence, l’attendent à la sortie de son travail, lui téléphonent le jour et la nuit, avec des paroles de menaces directes ou indirectes. Les divorces avec un pervers narcissique, quel que soit celui qui est à l’initiative de la séparation, sont presque toujours violents et procéduriers. Les pervers maintiennent le lien, par le biais des lettres recommandées, des avocats, de la justice. On continue à parler de ce couple, qui n’existe plus, à travers les procédures. Plus la pulsion d’emprise est grande, plus grands sont le ressentiment et la colère. Les victimes se défendent mal, surtout si elles se croient à l’initiative de la séparation, ce qui est souvent le cas, leur culpabilité les porte à se montrer généreuses espérant ainsi échapper à leur persécuteur. Les victimes savent rarement utiliser la loi, alors que l’agresseur, étant très proche d’une structure paranoïaque, saura faire les démarches nécessaires. Dans une manœuvre perverse, le but est de déstabiliser l’autre et de le faire douter de lui-même et des autres. Pour cela, tout est bon, les sous-entendus, le mensonge, les invraisemblances. Pour ne pas se laisser impressionner, il faut que le partenaire n’ait aucun doute sur lui-même et sur les décisions à prendre, et ne tienne pas compte des agressions. Cela oblige à être sans arrêt sur le qui-vive dans les contacts avec l’ex-conjoint. Le refus de communication directe est l’arme absolue des pervers. Le partenaire se trouve obligé de faire les demandes et les réponses et, s’avançant à découvert, évidemment commet des erreurs qui sont relevées par l’agresseur pour pointer la nullité de la victime. Le recours à des lettres recommandées agressives dans le sous-entendu ou l’allusion est une manœuvre habile pour déstabiliser sans trace. Un lecteur extérieur (psychologue, juge), à partir de ces écrits, ne peut qu’imaginer un échange acrimonieux banal entre deux ex-époux. Or, il ne s’agit pas d’un échange. C’est une agression unilatérale où l’agressé est mis dans l’incapacité de réagir et de se défendre. La séduction perverse La relation perverse se met en place en deux temps, l’une de séduction perverse, l’autre de violence manifeste. La première phase que Racamier a nommé le décervelage peut se dérouler sur plusieurs années. Elle se construit progressivement pendant les premiers temps de la relation, par un processus de séduction. C’est une phase de préparation au cours de laquelle la victime est déstablisée et perd progressivement confiance en elle. Il s’agit d’abord de la séduire, puis de l’influencer pour enfin, la mettre sous son emprise, en lui retirant toute parcelle de liberté. La séduction consiste à attirer irrésistiblement mais aussi dans un sens plus juridique, à corrompre et suborner. Le séducteur détourne de la réalité, opère par surprise, en secret. Il n’attaque jamais de manière frontale, mais de façon indirecte afin de capter le désir de l’autre, d’un autre qui l’admire, qui lui renvoie une bonne image de lui. La séduction perverse se fait en utilisant les instincts protecteurs de l’autre. Cette séduction est narcissique il s’agit de chercher dans l’autre l’unique objet de sa fascination, à savoir l’image aimable de soi. Par une séduction à sens unique, le pervers narcissique cherche à fasciner sans se laisser prendre. La présence de l’autre est vécue comme une menace, pas comme une complémentarité. L’influence consiste, sans argumenter, à amener quelqu’un à penser, décider ou se conduire autrement qu’il ne l’aurait fait spontanément. La personne cible de l’influence ne peut consentir a priori librement. Le processus d’influence est pensé en fonction de sa sensibilité et de ses vulnérabilités. L’emprise c’est la domination intellectuelle ou morale dans une relation de domination. Le pouvoir entraîne l’autre à suivre par la dépendance, c’est-à-dire acquiescement et adhésion. Il y a trois dimensions principales à l’emprise :
Parce qu’elle neutralise le désir d’autrui et qu’elle abolit toute sa spécificité; l’emprise comporte une indéniable composante destructrice. Petit à petit, la victime voit sa résistance et ses possibilités d’opposition grignotées. Elle perd toute possibilité de critique. Empêchée d’agir, littéralement « gérée », elle est rendue complice de ce qui l’opprime. Cela ne constitue en aucun cas un consentement elle est chosifiée; elle ne peut plus avoir de pensée propre, elle doit penser comme son agresseur. Elle n’est plus autre à part entière, elle n’est plus un alter ego. Elle subit sans consentir, voire sans participer. Les victimes décrivent toutes une difficulté à se concentrer sur une activité lorsque leur persécuteur est à proximité. Celui-ci offre à l’observateur de la plus parfaite innocence. Un grand décalage s’instaure entre son confort apparent et le malaise et la souffrance des victimes. Ce dont elles se plaignent à ce stade, c’est d’être étouffées, de ne rien pouvoir faire seules. Elles décrivent la sensation de ne pas avoir de pensée. La communication perverse La mise en place de l’empreinte utilise des procédés qui donnent l’illusion de la communication une communication particulière, non pas faite pour relier, mais pour éloigner et empêcher l’échange. Refuser la communication directe Quand une question directe est posée, les pervers éludent. Comme ils ne parlent pas, on leur prête grandeur ou sagesse. On entre dans un monde où il y a peu de communication verbale, juste des remarques à petites touches déstabilisantes. Rien n’est nommé, tout est sous-entendu. Le déni du reproche ou du conflit par l’agresseur paralyse la victime qui ne peut se défendre. L’agression est perpétrée par le refus de nommer ce qui se passe, de discuter, de trouver ensemble des solutions. S’il s’agissait d’un conflit ouvert, la discussion serait possible et une solution pourrait être trouvée. Devant le refus de communication verbale directe, il n’est pas rare que la victime ait recours aux courriers. Elle écrit des lettres pour demander des explications sur le rejet qu’elle perçoit, puis, n’ayant pas de réponse, elle écrit à nouveau, cherchant ce qui dans son comportement, aurait pu justifier une telle attitude. Il se peut qu’elle finisse par s’excuser de ce qu’elle aurait pu faire, consciemment ou non, pour justifier ou on l’attitude de son agresseur. Dans certaines entreprises, les victimes qui, pour se protéger, envoient des lettres recommandées sont qualifiées de paranoïaques procédurières. Quand il y a une réponse, elle est toujours à côté, indifférente. Déformer le langage On retrouve chez les pervers quand ils communiquent avec leur victime, une voix froide, blanche, plate, monocorde. C’est une voix sans tonalité affective, qui glace, inquiète, laissant affleurer dans les propos les plus anodins, le mépris ou la dérision. La tonalité seule implique, même pour des observateurs neutres, des sous-entendus, des reproches non exprimés, des menaces voilées. Même lors d’échanges violents le ton ne s’élève pas, laissant l’autre s’énerver tout seul, ce qui ne peut que le déstabiliser « décidément, tu n’es qu’un hystérique qui crie tout le temps » Très souvent, le pervers ne fait l’effort d’articuler ou bien grommelle quelque chose quand l’autre est dans une autre pièce. Cela met l'autre dans l’obligation de se déplacer pour entendre ou bien d’être en position de demandeur en faisant répéter. Il est facile ensuite de lui faire remarquer qu’il n’écoute pas. Le message d’un pervers est délibérément flou et imprécis, entretenant la confusion. Il peut dire « Je n’ai jamais dit cela », et éviter tout reproche. En utilisant des allusions, il fait passer ses messages sans se compromettre. Offrant des propos sans lien logique, il entretient la coexistence de différents discours contradictoires. Il peut aussi ne pas terminer ses phrases, laissant des points de suspension qui ouvrent la voie à toutes les interprétations et à tous les malentendus. Ou bien il envoie des messages obscurs et refuse de les expliciter.
À une demande de service anodin d’une belle-mère à son gendre
: Ces propos sont agressifs mais dits sur un ton normal, calme, presque détendu, et l’autre, dont la réponse agressive est désamorcée a l’impression de réagir à côté. Un autre procédé verbal habituel des pervers est d’utiliser un langage technique abstrait, dogmatique, pour entraîner l’autre dans des considérations auxquelles il ne comprend rien, et pour lesquelles il n’ose pas demander d’explications de peur de passer pour un imbécile. Ce qui importe alors dans le discours pervers, c’est la forme plutôt que le fond, paraître savant pour noyer le poisson. Pour répondre à sa femme qui souhaitait parler de leur couple, un mari prend un ton docte « présentes une problématique typique des femmes castratrices qui projettent sur les hommes leur désir de phallus » Ces interprétations psychanalytiques sauvages réussissent à déstabiliser l’autre, qui est rarement en état de répliquer pour renverser la situation à son avantage. Les victimes disent souvent que les arguments de leur agresseur sont tellement incohérents qu’elles devraient en rire, mais tant de mauvaise foi les met en colère. Un autre procédé pervers consiste à nommer les intentions de l’autre ou à deviner ses pensées cachées, comme si on savait mieux que lui ce qu’il pense. « Au fond, je sais très bien que tu te dis que ... » Mentir Plus souvent qu’un mensonge direct, le pervers utilise d’abord un assemblage de sous-entendus, de non-dits, destiné à créer un malentendu pour ensuite l’exploiter à son avantage. Il s’agit d’avoir le dessus dans l’échange verbal. Un procédé trop direct amènerait le partenaire à dénoncer l’autoritarisme de l’agresseur. Au contraire, des techniques indirectes le déstabilisent et l’amènent à douter de la réalité de ce qui vient de se passer. Un autre type de mensonge indirect consiste à répondre de façon imprécise ou à côté, ou par une attaque qui fait diversion. À une femme qui exprimait ses doutes sur la fidélité de son mari « dire quelque chose comme ça, il faut que, toi, tu aies quelque chose à te reprocher ». Le mensonge peut également s’attacher aux détails à sa femme qui lui reproche d’être allé huit jours à la campagne avec une fille, le mari répond « c’est toi la menteuse, d’une part ce n’était pas huit jours mais neuf, et d’autre part, il ne s’agissait pas d’une fille mais d’une femme » Le mensonge chez le pervers narcissiques ne devient direct que lors de la phase de destruction. C’est alors un mensonge au mépris de toute évidence. C’est surtout un mensonge convaincu qui convainc l’autre. Quelle que soit l’énormité du mensonge, le pervers s’y accroche et finit par convaincre l’autre. Manier le sarcasme, la dérision, le mépris En résumé, pour déstabiliser l’autre, il suffit de :
User du paradoxe Déstabiliser la victime se fait dans une double contrainte quelque chose est dit au niveau verbal et le contraire est exposé au niveau non verbal. Le discours paradoxal est composé d’un message explicite et d’un contenu implicite, dont l’agresseur nie l’existence.
La violence perverse Résister à l’emprise, c’est s’exposer à la haine. À ce stade, l’autre, qui n’existait que comme un objet utile, devient un objet dangereux dont il faut se débarrasser par n’importe quel moyen. La stratégie perverse se dévoile au grand jour. La haine est montrée La phase de haine apparaît au grand jour lorsque la victime réagit, qu’elle essaie de se poser en tant que sujet et de récupérer un peu de liberté. Malgré un contexte ambigu, elle essaie de mettre une limite. Un déclic lui fait dire « suffit », soit parce qu’un élément extérieur lui a permis de prendre conscience de son asservissement c’est en général quand elle a vu son agresseur s’acharner sur quelqu’un d’autre -, soit quand le pervers a trouvé un autre partenaire potentiel et essaie de pousser le précédent à partir en accentuant sa violence. Au moment où la victime donne l’impression de lui échapper, l’agresseur éprouve un sentiment de panique et de fureur il se déchaîne. Tout ce qui était souterrain apparaît alors au grand jour. Il ne s’agit pas ici d’un amour qui se transforme en haine comme on tend à le croire, mais d’envie qui se transforme en haine. Quand il justifie cette haine, c’est par une persécution de l’autre, qui le placerait lui en position de légitime défense. Comme chez les paranoïaques, apparaissent alors chez lui des idées de préjudice ou de persécution, une anticipation sur les réactions de défense attendues amenant à des conduites délictueuses et un fonctionnement procédurier. Tout ce qui ne va pas est de la faute des autres qui sont unis contre lui. Par un phénomène de projection, la haine de l’agresseur est à la mesure de la haine qu’il imagine que sa victime lui porte. Il la voit comme un monstre destructeur, violent, néfaste. Cette haine projetée sur l’autre, est pour le pervers narcissique un moyen de se protéger de troubles qui pourraient être plus grands, du registre de la psychose. C’est aussi un moyen, lorsqu’il s’est engagé dans une nouvelle relation, de se défendre de toute haine inconsciente contre le nouveau partenaire. La violence est agie Il s’agit d’une violence froide, verbale, faite de dénigrement, de sous-entendus hostiles, de marques de condescendance et d’injures. L’effet destructeur vient de la répétition d’agressions apparemment anodines mais continuelles, et dont on sait qu’elles ne s’arrêteront jamais. Il s’agit d’une agression à perpétuité. L’autre est acculé Lors de la phase d’emprise, l’action du pervers narcissique sur sa victime était essentiellement d’inhiber sa pensée. Dans la phase suivante, il provoque en elle des sentiments, des actes, des réactions, par des mécanismes d’injonction. Cela peut aller jusqu’à provoquer le suicide. L’agresseur Il peut arriver à chacun d’utiliser ponctuellement, passagèrement des mécanismes de défense pervers. Ce qui nous distingue des pervers, c’est que ces comportements ont été suivis de remords ou de regrets. La perversion narcissique Le psychanalyste P.C. Racamier est un des premiers à avoir décrit le concept de pervers narcissique. D’autres auteurs, dont Alberto Eiguer ont ensuite tenté d’en donner une définition : « Les individus pervers narcissiques sont ceux qui, sous l’influence de leur soi grandiose, essaient de créer un lien avec un deuxième individu, en s’attaquant tout particulièrement à l’intégrité narcissique de l’autre afin de le désarmer. Ils s’attaquent aussi à l’amour de soi, à la confiance en soi, à l’auto-estime et à la croyance en soi de l’autre. En même temps, ils cherchent, d’une certaine manière, à faire croire que le lien de dépendance de l’autre envers eux est irremplaçable et que c’est l’autre qui le sollicite. » Les pervers narcissiques sont considérés comme des psychotiques sans symptômes, qui trouvent leur équilibre en déchargeant sur un autre la douleur qu’ils ne ressentent pas et les contradictions internes qu’ils refusent de voir. Ils « ne font pas exprès » de faire mal, ils font mal parce qu’ils ne savent pas faire autrement pour exister. Ils ont eux-mêmes été blessés dans leur enfance et essaient de se maintenir en vie. Ce transfert de douleur leur permet de se valoriser aux dépens d’autrui. La personnalité narcissique est décrite comme suit (présente au moins cinq manifestations suivantes) :
Otto Kernberg décrit les principales caractéristiques de ces personnalités qui « un sentiment de grandeur, un égocentrisme extrême, une absence totale d’empathie pour les autres, bien qu’ils soient avides d’obtenir admiration et approbation. Ces patients ressentent une envie très intense à l’égard de ceux qui semblent posséder les choses qu’ils n’ont pas ou qui semblent tirer simplement plaisir de leur vie. Non seulement ils manquent de profondeur affective et n’arrivent pas à comprendre les émotions complexes des autres, mais leur propre sentiments ne sont pas modulés et connaissent de rapides flambées suivies de dispersion. Ils ignorent en particulier les sentiments véritables de tristesse et de deuil; cette incapacité à éprouver des réactions dépressives est un trait fondamental de leur personnalité. Lorsqu’on les abandonne ou qu’on les déçoit, ils peuvent se montrer apparemment déprimés, mais à un examen attentif, il s’agit de colère ou de ressentiment avec des désirs de revanche plutôt que d’une véritable tristesse pour la perte de la personne qu’ils apprécient. » Un narcisse est une coque vide qui n’a pas d’existence propre; c’est un « » qui cherche à faire illusion pour masquer son vide. Son destin est une tentative pour éviter la mort. C’est quelqu’un qui n’a jamais été reconnu comme un être humain et qui a été obligé de se construire un jeu de miroirs pour se donner l’illusion d’exister. Comme un kaléidoscope, ce jeu de miroirs a beau se répéter et se multiplier, cet individu reste construit sur du vide. Les individus pervers narcissiques sont des individus mégalomanes qui se posent comme référents, comme étalons du bien et du mal, de la vérité. On leur attribue souvent un air moralisateur, supérieur, distant. Même s’ils ne disent rien, l’autre se sent pris en faute. Conséquences pour la victime et prise en charge
Conséquences de la hase d’emprise Le harcèlement dans l’entreprise Dans l’entreprise, c’est de la rencontre de l’envie de pouvoir et de la perversité que naissent la violence et le harcèlement. Par harcèlement sur le lieu de travail, il faut entendre toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, mettre en péril l’emploi de celle-ci ou dégrader le climat de travail. Le harcèlement a été identifié dans les pays anglo-saxons et les pays nordiques où il a été qualifié de mobbing. Cette guerre psychologique sur le lieu de travail regroupe deux phénomènes :
Le harcèlement naît de façon anodine et se propage insidieusement. Dans un premier temps, les personnes concernées ne veulent pas se formaliser et prennent à la légère piques et brimades. Puis, ces attaques se multiplient et la victime est régulièrement acculée, mise en état d’infériorité, soumise à des manœuvres hostiles et dégradantes pendant une longue période. De toutes ces agressions, on ne meurt pas directement, mais on perd une partie de soi-même. On revient chaque soir, usé, humilié, abîmé. Il est difficile de s’en remettre. Ce n’est pas la remarque blessante qui constitue le harcèlement, c’est la répétition des vexations, des humiliations, sans aucun effort pour les nuancer qui constitue le phénomène destructeur. Quand le harcèlement apparaît, c’est comme une machine qui se met en marche et qui peut tout broyer. Il s’agit d’un phénomène terrifiant parce qu’inhumain, sans états d’âme et sans pitié. L’entourage professionnel, par lâcheté, par égoïsme ou peur, préfère se tenir à l’écart. lorsque ce type d’interaction asymétrique et destructrice se met en place, il ne fera que s’amplifier si une personne extérieure n’intervient pas énergiquement. En effet, dans un moment de crise, on a tendance à accentuer ce que l’on est une entreprise rigide devient encore plus rigide, un employé dépressif encore plus dépressif, un agressif plus agressif, etc. On accentue ce que l’on est. Il s’agit d’un phénomène circulaire. Rien ne sert alors de chercher qui est à l’origine du conflit. On en oublie même les raisons. Une suite de comportements délibérés de la part de l’agresseur est destinée à déclencher l’anxiété de la victime, ce qui provoque chez elle une attitude défensive, elle-même génératrice de nouvelles agressions. Après un certain temps d’évolution du conflit se mettent en place des phénomènes de phobie réciproque la vision de la personne haïe provoque une rage froide chez l’un, la vision du persécuteur déclenche chez la victime un phénomène de peur. C’est un réflexe conditionné agressif ou défensif. La peur entraîne chez la victime des comportements pathologiques qui serviront d’alibis pour justifier rétroactivement l’agression. Elle réagit le plus souvent d’une manière véhémente et confuse. Quoi qu’elle puisse entreprendre, quoi qu’elle fasse tout est retourné contre elle par ses persécuteurs. Le but de la manœuvre est de la désarçonner, de la pousser à la confusion totale et à la faute. Même si le harcèlement est horizontal (un collègue harcèle une autre collègue), la hiérarchie n’intervient pas. Elle refuse de voir ou laisse faire. Elle ne prend parfois conscience du problème que lorsque la victime réagit de façon trop voyante (crise de nerfs, pleurs) ou qu’elle est trop fréquemment en arrêt de travail. Le conflit dégénère vraiment parce que l’entreprise refuse de s’en mêler. Il faut savoir que si à un moment donné du processus, quelqu’un réagit d’une façon saine, le processus s’arrête. Qui est visé Contrairement à ce que leurs agresseurs essaient de faire croire, les victimes ne sont pas au départ des personnes atteintes d’une quelconque pathologie ou particulièrement faibles. Au contraire, le harcèlement se met en place quand une victime réagit à l’autoritarisme d’un chef et refuse de se laisser asservir. C’est sa capacité de résister à l’autorité malgré les pressions qui la désigne comme cible. Le harcèlement est rendu possible parce qu’il est précédé d’une dévalorisation, qui est acceptée puis cautionnée par le groupe, de la victime par le persécuteur. Cette dépréciation constitue une justification a posteriori de la cruauté exercée contre elle et conduit à penser qu’elle a bien mérité ce qui lui arrive. Lorsque le processus de harcèlement est en place, la victime est stigmatisée on dit qu’elle est difficile à vivre, qu’elle a mauvais caractère, ou bien qu’elle est folle. On met sur le compte de sa personnalité ce qui est la conséquence du conflit, et on oublie ce qu’elle était auparavant ou ce qu’elle est dans un autre contexte. Qui agresse qui Le comportement d’un groupe n’est pas la somme des comportements des individus qui le composent; le groupe est une nouvelle entité qui a ses propres comportements. Freud admet la dissolution des individus dans la foule et y voit une double identification, horizontale par rapport à la horde (le groupe) et verticale par rapport au chef. Un collègue agresse un autre collègue Les groupes tendent à niveler les individus et supportent mal la différence. Dans certains corps de métier, il n’est pas facile pour un homme ou ne femme de se faire respecter quand il ou elle arrive. Ce sont des plaisanteries grossières, des gestes obscènes, un mépris de tout ce qu’il ou elle peut dire, le refus de prendre son travail en considération. Cela paraît du bizutage, tout le monde rit, y compris les hommes ou les femmes présentes. Ils ou elles n’ont pas le choix. Un supérieur agressé par des subordonnés Le cas est rare. Il s’agit en général d’une personne venant de l’extérieur, dont le style ou les méthodes sont réprouvés par le groupe et qui ne fait pas l’effort de s’adapter ou de s’imposer. Ce peut être aussi un ancien collègue qui a été promu sans que le service n’ait été consulté. Un subordonné agressé par un supérieur C’est le cas le plus fréquent. Comment empêcher une victime de réagir Pour garder le pouvoir et contrôler l’autre, on utilise des manœuvres anodines qui deviennent de plus en plus violentes si l’employé résiste. Dans un premier temps, on lui retire tout sens critique jusqu’à ce qu’il ne sache plus qui a tort qui a raison. On le stresse, on le houspille, on le surveille, on le chronomètre pour qu’il se sente en permanence sur le qui-vive, et surtout on ne lui dit rien de ce qui pourrait lui permettre de comprendre ce qui se passe. Le salarié est acculé. Il accepte toujours plus et n’arrive pas à dire que c’est insupportable. Quel que soit le point de départ et quels que soient les agresseurs, les procédés sont les mêmes on ne nomme pas le problème, mais on agit de façon sournoise pour éliminer la personne au lieu de trouver une solution. Ce processus est amplifié par le groupe, qui est pris à témoin ou même participe activement au phénomène. Le harcèlement dans l’entreprise passe ensuite par plusieurs étapes qui ont comme point commun un refus de communication. Refuser la communication directe Le conflit n’est pas nommé mais il est agit quotidiennement par des attitudes de disqualification. L’agresseur refuse d’expliquer son attitude. Ce déni paralyse la victime qui ne peut se défendre, ce qui rend possible la poursuite de l’agression. En refusant de nommer le conflit, de discuter, l’agresseur empêche une discussion qui permettrait de trouver une solution. Dans le registre de la communication perverse, il faut empêcher l’autre de penser, de comprendre, de réagir. Se soustraire au dialogue est une façon habile d’aggraver le conflit, tout en le portant au crédit de l’autre. C’est une façon de dire, sans le dire avec des mots, que l’autre ne vous intéresse pas ou même qu’il n’existe pas. Comme rien n’est dit, tout peut être reproché. Quand la victime a une propension à se culpabiliser, c’est royal. Disqualifier
L’agression ne se passe pas ouvertement, ce qui pourrait permettre de répliquer,
elle est pratiquée de façon sous-jacente, dans le registre de la communication
non verbale soupirs excédés, haussements d’épaules, regards méprisants, ou bien
non-dits, sous-entendus; allusions déstabilisantes ou malveillantes, remarques
désobligeantes... On peut ainsi amener progressivement le doute sur les
compétences professionnelles d’un salarié, en remettant en question tout ce
qu’il dit ou fait. La disqualification consiste aussi à ne pas regarder quelqu’un, ne pas dire bonjour, parler de la personne comme d’un objet (on ne parle pas aux choses), dire à quelqu’un devant la victime « Tu as vu, il faut être vraiment ringard pour porter des vêtements pareils ». C’est nier la présence de la victime, ne plus lui adresser la parole, ou profiter de ce qu’elle se soit absentée cinq minutes de son bureau pour lui déposer un dossier avec un Post-it dessus, au lieu de lui demander le travail directement. Ce sont aussi des critiques indirectes dissimulées dans une plaisanterie, des railleries, des sarcasmes. On peut ensuite dire « n’est qu’une plaisanterie, personne n’est jamais mort d’une plaisanterie ». Le langage est perverti. Chaque mot cache un malentendu qui se retourne contre la victime désignée. Discréditer Pour cela, il suffit d’insinuer le doute dans la tête des autres « ne crois pas que... » On peut ensuite par un discours faux, fait d’un assemblage de sous-entendus, de non-dits, mettre en place un malentendu pour l’exploiter à son avantage. Pour enfoncer l’autre, on le ridiculise, l’humilie, le couvre de sarcasmes jusqu’à ce qu’il perde confiance en lui. On l’affuble d’un surnom ridicule, on se moque d’une infirmité ou d’une défaillance. On utilise aussi la calomnie, les mensonges, les sous-entendus malveillants. On s’arrange pour que la victime le sache sans qu’elle puisse pour autant s’en défendre. Isoler Lorsque l’on a décidé de détruire psychologiquement un salarié, pour qu’il ne puisse pas se défendre, il faut d’abord l'isoler en cassant les alliances possibles. Quand on est seul, il est beaucoup plus difficiles de se rebeller, surtout si on vous fait croire que tout le monde est contre vous. Par des insinuations ou des préférences affichées, on provoque des jalousies, on monte les gens les uns contre les autres, on sème la discorde. Le travail de déstabilisation est ainsi fait par des collègues envieux, et le véritable agresseur pourra dire qu’il n’y est pour rien. Lorsque la mise à l’écart vient de collègues, c’est manger seul à la cantine, ne pas être invité lorsqu’il y a un pot. Lorsque l’agression vient de la hiérarchie, la victime désignée est progressivement privée de toute information. Elle apprend son devenir par des notes de service. Plus tard, c’est la mise en quarantaine, au placard. Brimer Cela consiste à confier à la victime des tâches inutiles ou dégradantes. C’est fixer des objectifs impossibles à tenir, obligeant à rester tard le soir, à revenir le week-end pour voir ce rapport urgent jeté à la poubelle. Ce peuvent également être des agressions physiques mais pas directes des négligences qui provoquent des accidents, des objets lourds qui tombent comme par hasard sur les pieds de la victime. Pousser l’autre à la faute Un moyen très habile de disqualifier quelqu’un consiste à le pousser à la faute pour pouvoir le critiquer ou le rabaisser, mais aussi pour qu’il ait une mauvaise image de lui-même. Il est très facile, par une attitude de mépris ou de provocation, d’amener quelqu’un d’impulsif à la colère ou à un comportement agressif repéré de tous. On peut ensuite dire qu’elle est folle, qu’elle perturbe la bonne marche du service. Le harcèlement sexuel Il ne s’agit alors pas d’obtenir des faveurs sexuelles mais de marquer son pouvoir. La femme harcelée est à disposition du harceleur. Le point de départ du harcèlement L’abus de pouvoir - Les manœuvres perverses Quand un individu pervers entre dans un groupe, il tend à rassembler autour de lui les membres du groupe les plus dociles qu’il séduit. Si un individu ne se laisse pas embrigader, il est rejeté par le groupe et désigné comme bouc émissaire. Un lien social se crée ainsi entre les membres du groupe dans la critique commune de la personne isolée, par des potins et des ragots. Le groupe est alors sous influence et suit le pervers dans le cynisme et le manque de respect. Chaque individu n’a pas pour autant perdu tout sens moral, mais, dépendant d’un individu dépourvu de scrupules, ils perdent tout sens critique. Le but d’un individu pervers est d’accéder au pouvoir ou de s’y maintenir par n’importe quel moyen, ou bien encore de masquer sa propre incompétence. Pour cela il lui faut se débarrasser de quiconque constituerait un obstacle à son ascension ou serait trop lucide sur ses façons de faire. On ne se contente donc pas d’attaquer quelqu’un de fragilisé comme dans l’abus de pouvoir mais on crée la fragilité afin d’empêcher l’autre de se défendre. La peur génère des conduites d’obéissance, voire de soumission, de la part de la personne ciblée, mais aussi des collègues qui laissent faire, qui ne veulent pas voir ce qui se passe autour d’eux. C’est le règne de l’individualisme, du chacun « soi ». L’entourage craint, s’il se montre solidaire, d’être stigmatisé. Il ne faut pas faire de vagues. Lorsque la victime réagit et tente de se rebeller, la malveillance latente fait place à une hostilité déclarée. Commence alors la phase de destruction morale qui a été qualifiée de psychoterreur. Là, tous les moyens sont bons, y compris la violence physique, pour démolir la personne désignée. Cela peut la conduire à un anéantissement psychique ou au suicide. Dans cette violence, l’intérêt de l’entreprise est oublié par l’agresseur, qui veut uniquement la peau de sa victime. Dans le fonctionnement pervers, il n’y a pas que la quête du pouvoir, il y a surtout une grande jouissance à utiliser l’autre comme un objet, comme une marionnette. L’agresseur réduit l’autre à une position d’impuissance pour ensuite le détruire en toute impunité. Porter plainte est l’unique façon de mettre fin à la psychoterreur. Mais il faut du courage ou être vraiment à bout car cela implique une rupture définitive avec l’entreprise. Il n’est pas sûr, en outre, que la plainte soit reçue, ni que la procédure déclenchée aboutisse d’une façon positive. L’entreprise qui laisse faire Dans les groupes de travail sous pression les conflits naissent plus facilement. Les nouvelles formes de travail, qui visent à accroître les performances des entreprises en laissant de côté tous les éléments humains sont en génératrices de stress et créent ainsi les conditions favorables à l’expression de la perversité. L’entreprise qui encourage les méthodes perverses L’entreprise peut elle-même devenir un système pervers lorsque la fin justifie le moyens et qu’elle est prête à tout, y compris à détruire les individus pour parvenir à ses objectifs. Conseils pratiques dans l’entreprise Repérer Avant toute chose, il est important de bien repérer le processus de harcèlement et si possible de l’analyser. Si on a le sentiment d’une atteinte à sa dignité ou à son intégrité psychique en raison de l’attitude hostile d’une ou de plusieurs personnes, ce régulièrement et sur une longue période, on peut penser qu’il s’agit effectivement de harcèlement moral. L’idéal est de réagir le plus tôt possible, avant d’être englué dans une situation où il n’y a pas d’autre solution que le départ. Dès lors, il est important de noter toute forme de provocation ou toute agression. Comme pour le harcèlement psychologique familial, la difficulté de se défendre réside dans le fait qu’il y a rarement des preuves flagrantes. La victime devra donc accumuler les traces, les indices, noter les injures, faire des photocopies de tout ce qui pourrait à un moment ou à un autre constituer sa défense. Il serait souhaitable qu’elle s’assure le concours de témoins. Malheureusement, dans un tel contexte, les collègues se défilent. Trouver de l’aide au sein de l’entreprise Tant que l’on est en état de se battre il faut chercher de l’aide d’abord au sein de l’entreprise. Trop souvent les salariés ne réagissent que lorsqu’il y a une procédure de licenciement en cours. Cette recherche n’est pas évidente car si la situation a pu se dégrader à ce point, c’est souvent que le responsable hiérarchique, s’il n’est pas lui-même moteur du processus, n’a pas su réagir de façon efficace. Si ce soutien moral ne peut être obtenu dans le service, il peut être recherché dans d’autres services. À chaque étape d’une recherche d’aide au sein de l’entreprise, le salarié peut sortir du processus de harcèlement s’il a la possibilité de rencontrer un interlocuteur qui sache l’écouter. Quand l’entreprise est de taille suffisante, il faut d’abord aller voir le DRH, cela n’est efficace que si le « » prime sur le « ». Si le DRH ne fait rien, il faut aller voir le médecin du travail qui aidera d’abord à verbaliser le problème. Par ses constats au poste de travail, et lors de la visite médicale, il peut permettre aux salariés et aux responsables de prendre conscience du problème et de leurs conséquences graves. Tout dépend de la place du médecin du travail au sein de l’entreprise. Résister psychologiquement Pour se défendre, il faut être en bon état psychologique, ce qui n’est pas simple puisque la première étape du harcèlement consiste à déstabiliser la victime. Il faut donc consulter un psychiatre ou un psychothérapeute afin de retrouver l’énergie pour se défendre. Ce qui implique lorsque l’on est soignant d’aller voir dans un autre département. Pour diminuer le stress et ses conséquences, la seule solution est l’arrêt de travail. Beaucoup de victimes le refusent de peur d’aggraver le conflit. Si la personne est dépressive, une aide médicamenteuse, anxiolytique et antidépressive peut s’avérer indispensable. La personne ne devra réintégrer son travail que lorsqu’elle pourra se défendre. Cela peut conduire à un arrêt de travail relativement long (parfois plusieurs mois) qui se transformera éventuellement en Congé maladie de longue durée. Dans les relations avec le harceleur, il est plus facile de se soumettre plutôt que de résister et risquer le conflit. Quoi qu’elles éprouvent, les victimes doivent jouer l’indifférence, garder le sourire et répondre avec humour mais sans en rajouter dans l’ironie. Elles doivent rester imperturbables et ne jamais entrer dans le jeu de l’agressivité. Il leur faut laisser dire, ne pas s’énerver tout en notant chaque agression pour préparer leur défense. Pour limiter le risque de faute professionnelle, la victime doit être irréprochable. Elle est sous les feux de l’actualité. Le moindre retard, la moindre faute seront tenus pour des preuves de sa responsabilité dans le processus. Il serait bon qu’elle apprenne la méfiance en fermant ses tiroirs à clé, en emportant avec elle son agenda professionnel ou un dossier important sur lequel elle travaille, même, à l’heure du déjeuner. Afin de retrouver une certaine autonomie de pensée et un esprit critique, les victimes devront appliquer une nouvelle grille de communication, comme un filtre systématique, qui leur permette de réajuster la réalité au bon sens. Prendre les messages au pied de la lettre, au besoin, en faisant préciser, et refuser d’entendre les sous-entendus. Agir Sur un plan professionnel, il faut être extrêmement vigilant afin de contrer la communication perverse. Il faudra anticiper sur les agressions en assurant qu’il n’y a aucune ambiguïté dans les consignes ou les ordres, en faisant lever les imprécisions et éclaircir les points douteux. Si les doutes subsistent, le salarié devra solliciter un entretien pour avoir des explications. En cas de refus, il ne faut pas hésiter à exiger cet entretien par lettre recommandée. Ces courriers pourront servir de preuves du manque de dialogue en cas de conflit. Il faut mieux passer pour anormalement méfiant, quitte à passer pour paranoïaque, que de se laisser mettre en faute. Il n’est pas mauvais, non plus, que la victime inquiète son agresseur en lui faisant savoir que, désormais, elle ne se laissera plus faire. C’est habituellement lorsque la victime constate qu’aucune solution n’est proposée, et qu’elle craint un licenciement ou qu’elle envisage de donner sa démission qu’elle se tourne vers les syndicats ou les représentants du personnel. Mais il faut savoir que quand une situation de harcèlement est communiquée aux syndicats, cela devient un conflit ouvert. Leur intervention consiste alors à négocier un départ. Il est très difficile d’obtenir une médiation à ce niveau car les représentants du personnel ont en France beaucoup plus un rôle revendicatif qu’un rôle d’écoute et de médiation. Pour un entretien préalable au licenciement, la loi prévoit qu’on peut se faire accompagner par la personne de son choix. Ce peut être un délégué syndical s’il y en a dans l’entreprise, ou bien un conseiller des salariés. Les conseillers des salariés sont des syndicalistes extérieurs à l’entreprise dont on trouve la liste dans les mairies et dans les préfectures, et qui vont défendre bénévolement les salariés dans les petites structures. Dans le harcèlement, il est important que l’accompagnateur soit quelqu’un en qui on a toute confiance et dont on pense a priori qu’il ne se laissera pas manipuler. Faire intervenir la justice Comment guérir
L’essentiel n’est pas de savoir comment on s’est mis dans cette situation mais
d’en sortir. Donc soutien, réconfort pour permettre à la victime de sortir de la
peur et de la culpabilité.
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