La fête de la Saint-Jean Baptiste était
célébrée tous les 24 juin bien avant que de devenir la fête nationale de tous
les Québécois.
Déjà en des temps immémoriaux, les peuples païens célébraient le solstice d'été
par un grand feu de joie, symbolisant la lumière qui était à son apogée.
Puis, dans la France catholique de Clovis, on conservera la tradition du feu de
joie pour célébrer la naissance de Saint Jean le Baptiste, le cousin de Jésus,
appelé "le baptiste" puisque c'est lui qui a baptisé le Christ, marquant ainsi
le début de sa vie publique. Jean est donc celui qui sera la précurseur du
Christ, "la lumière du monde" - d'où le lien avec le solstice et le feu de joie.
"Je suis la voix qui crie dans le désert !" - vous pouvez (pour votre culture !)
en lire le récit dans l'évangile de Matthieu, chap. 3; ou Marc chap. 1; ou Luc
chap. 3.
La fête religieuse de Jean le Baptiste revêt donc une importance toute
particulière pour tous les catholiques d'Europe, et spécialement pour ceux de
France, où dans la nuit du 23 au 24 juin à Paris, le roi de France lui-même
allume le feu de la Saint Jean. Une fois en terre d'Amérique, les Français
continueront de souligner cet événement : les Relations des Jésuites font
allusion à cette coutume dès 1636, alors que la ville de Québec ne comptait
encore que 200 âmes. On sait aussi que le 24 juin de cette année-là, le
gouverneur de Québec, monsieur de Montmagny, fit tirer à cette occasion cinq
coups de canon !
Mais la St-Jean demeure avant tout, pour les Québécois qui étaient très pieux,
une fête religieuse, qui donne souvent lieu à des processions dans les rues de
la ville, comme c'est le cas de plusieurs autres fêtes, par exemple celles de la
Vierge Marie, de St Joseph ou de Ste Anne. C'est en 1834 que de fête religieuse,
la St-Jean-Baptiste deviendra un symbole national pour les Québécois.
En effet, le 8 mars 1834, Ludger Duvernay et quelques autres Montréalais d'élite
fondent une société d'entraide et de secours dont le nom en dit long sur ses
objectifs : "Aide-toi et le ciel t'aidera". Cette société deviendra plus tard la
Société Saint-Jean-Baptiste, active encore de nos jours.
Et c'est le 24 juin 1834 que Ludger Duvernay et une soixantaine de Montréalais
d'origine française et anglaise organisent un banquet patriotique, la première
véritable célébration "nationale" de la St-Jean.
Il est important de souligner
que si le nationalisme se définit comme la volonté de se libérer de l'emprise
d'un pouvoir politique supérieur, à cette époque au Bas Canada, "être
nationaliste" signifiait donc désirer s'affranchir de la métropole, en
l'occurrence la Grande-Bretagne. Il ne faut donc pas se surprendre de voir un
grand nombre d'anglophones de Montréal participer à ce banquet nationaliste, qui
se tiendra dans les jardins de l'avocat John McDonnell, non loin de l'ancienne
gare Windsor.
Ce banquet fut un véritable succès. Si
bien que le journal La Minerve conclut, dans son édition du 26 juin 1834, que :
"Cette fête dont le but est de cimenter l'union des Canadiens ne sera pas sans
fruit. Elle sera célébrée annuellement comme fête nationale et ne pourra manquer
de produire les plus heureux résultats." (le terme "Québécois" n'est pas encore
d'usage à l'époque; c'est ce qui explique l'emploi du terme "Canadien", ou Canadien-français, comme on entend encore dire nos grands-parents).
Mise en
veilleuse pendant et après les soulèvements des patriotes de 1837 et 1938, la fête
renaît à Québec en 1842 en tant que fête religieuse, et donne lieu à une grande
procession, puis à Montréal en 1843, dans les mêmes circonstances. Ce furent nos
premiers "défilés de la St-Jean".
Le 24 juin 1848, lors de la "parade de
la St-Jean", une relique bouleverse la foule massée le long des rues de Québec :
quelqu'un portait un des vestiges les plus précieux du Régime français, le
drapeau du régiment de Carillon, qui avait été témoin de la brillante victoire
des 3 500 soldats du général Montcalm contre une armée de 15 000 hommes, le 8
juillet 1758, à Carillon, aujourd'hui Ticonderoga dans l'état de New York. Ce
drapeau fleurdelysé, l'ancêtre de l'actuel drapeau du Québec, fut depuis porté
avec fierté, protégé dans un cylindre de métal, lors de tous les défilés de la
St-Jean jusqu'en 1982, alors qu'il fut confié à l'Institut canadien de
conservation, puis au Musée de l'Amérique française.
Aujourd'hui encore, la
Société-St-Jean-Baptiste de Montréal organise le traditionnel défilé de la
St-Jean, qui longe la rue Sherbrooke d'ouest en est pour se terminer au Parc
Maisonneuve, où a lieu un grand spectacle populaire qui réunit plusieurs
milliers de personnes chaque année. Ce n'est plus le drapeau de Carillon qu'on
arbore, mais notre drapeau fleurdelysé bleu et blanc, qui a célébré ses 50 ans
en 1998. Pour souligner les origines religieuses de cette fête, une messe est
célébrée chaque 24 juin au matin par l'archevêque de Montréal dans la très belle
église historique St-Jean-Baptiste, rue Rachel, angle Henri-Julien, sur le
Plateau Mont-Royal, l'un des quartiers les plus riches sur le plan culturel et
intellectuel, mais aussi l'un des plus cosmopolites. La messe est suivie d'une
grande fête populaire dans les rues de la ville, où musique traditionnelle -
gigues et rigaudons - est à l'honneur. Il est à souligner que l'église est
située dans l'ancienne municipalité de Saint-Jean-Baptiste, qui fut comme la
plupart des petites villes situées sur l'île, annexée à Montréal au tournant du
siècle. Cette église est également un lieu culturel de première importance à
Montréal, puisqu'en plus de posséder un magnifique orgue Casavant de quatre
claviers et 68 jeux, elle accueille de nombreux concerts, tant de musique
chorale que symphonique.
Selon une enquête Sondagem réalisée pour
le compte du journal Le Devoir, de Télé-Québec et du journal Le Soleil, 71,8%
des Québécois croient que la Saint-Jean est vraiment la fête de tous les
Québécois, peu importe leur origine, leur langue ou leur orientation politique.
Ce sentiment d'appartenance était l'un des souhaits les plus ardents de René
Lévesque (Premier ministre, mars 1984). Le même sondage révèle que pour une grande proportion de Québécois,
cette fête représente en effet "un moment de fierté", et se célèbre "en famille
ou avec les amis".
Bref, dans
tous les
villages, le
24 juin est
organisée
une fête en
plein air
avec
chanteurs
québécois,
des
spectacles,
de la
musique, un
feu de joie,
un feu
d'artifice,
et bien sûr,
un hommage
au drapeau
et une
messe en
plein air.
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