L'été dernier nous avons fêté les 70 ans de ma mère, elle est rendue au septembre de sa vie.

Quand on arrive en septembre, l'année civile va vers son déclin !

Ainsi, quand on atteint le septembre de sa vie, lucidement, on voit bien qu'il y a plus de chemin parcouru qu'à parcourir...

Mais tout comme en septembre l'année n'est pas encore terminée, même au septembre de sa vie il est possible de recommencer.

Ce que nous avons célébré avec elle c'est que, à 70 ans, elle ne s'est pas arrêtée : elle est toujours prête à commencer les projets qu'elle n'a pu réaliser plus jeune : voyages, cours d'anglais ou activités sociales avec les amies du quartier. Les années déjà passées, parfois difficiles, n'ont pas sécrété le venin d'amertume ou de nostalgie qui paralyse.

À Ottawa, je partage la vie quotidienne avec un frère qui a tout juste franchi le cap des 80 ans lui aussi au septembre de sa vie. Cet homme à offert la moitié de sa vie à la mission des capucins en Afrique. Puis, un jour, la maladie et la fatigue l'ont obligé à revenir au Canada. Arraché à son « chez-soi » ( à sa case et à ses amis ) il recommence sa mission ici auprès des adolescents, des jeunes adultes et des personnes âgées, là où la vie le guide.

Qu'ont en commun ma mère et ce frère qui ne se connaissent pas ?

Ils ont accepté l'incontournable sagesse de la vie : aller de commencement en commencement sans se laisser alourdir par la nostalgie et sans accabler les autres par leurs déceptions. Ils n'ont pas laissé les peines ou les ruptures toujours douloureuses se transformer en boulet qui entrave leur marche vers la joie de vivre. Ils n'ont pas transformé les souvenirs en amertume qui empoisonne notre capacité à accueillir les surprises toutes simples que Dieu cache dans le quotidien.

Un grand théologien du 4e siècle, saint Grégoire de Nysse, nous révèle la mystérieuse profondeur de ces expériences humaines. Qui avance vers Dieu va de commencement en commencement. Consentir chaque matin à vivre le jour nouveau comme le début d'une nouvelle vie nous permet d'accueillir l'action de Dieu et de participer à la création de celui qui se trouve toujours là.

Au commencement, nous dit la Bible, Dieu créa avec le vide et la vague, et quiconque accepte dans sa vie d'aller de commencement en commencement, entre dans le mouvement de la création de Dieu et participe à la création que Dieu fait de notre propre vie.

Saint François lui-même, au terme d'années d'enthousiasme, de voyages, de souffrances et de déception cruelles dit à ses frères : Commençons à servir le Seigneur, car nous n'avons pas fait grand-chose jusqu'ici. Il souhaitait alors soigner et servir les lépreux, comme au début de sa conversion.

Quiconque se retrouve au septembre de sa vie peut entendre cet appel : rien ne sert de s'attarder aux échecs ou aux découragements; accueille l'aujourd'hui comme un don. Résiste à la tentation d'alourdir ta vie avec ce qui est passé et sur lequel tu n'as plus de pouvoir.

Accepte de commencer, même en septembre.

Louis-Cinq-Mars, capucin
Texte de la revue " Le Messager de St-Antoine "

 


 
 

   
 
 
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