Je n'ai qu'une toute petite foi
naturelle, fragile, vacillante, bougonneuse et toujours inquiète.
Une foi qui ressemble bien plus à une
espérance qu'à une certitude.
Mais voyez-vous, à la courte lumière de
ma faible raison, il m'apparaît irrationnel, absurde, injuste et
contradictoire que la vie humaine ne soit qu'un insignifiant passage de
quelques centaines de jours sur cette terre ingrate et somptueuse.
Il me semble impensable que la vie, une
fois commencée, se termine bêtement par une triste dissolution dans la
matière, et que l'âme, comme une splendeur éphémère, sombre dans le
néant après avoir inutilement été le lieu spirituel et sensible de si
prodigieuses clarté, de si riches espérances et de si douces affections.
Il me parait répugner à la raison de
l'homme autant qu'à la providence de Dieu que l'existence ne soit que
temporelle et qu'un être humain n'ait pas plus de valeur et d'autre
destin qu'un caillou.
J'ai déjà vécu beaucoup plus que la
moitié de ma vie; je sais que je suis sur l'autre versant des cimes et
que j'ai plus de passé que d'avenir.
Alors j'ai sagement apprivoisé l'idée
de ma mort. Je l'ai domestiquée et j'en ai fait ma compagne si
quotidienne qu'elle ne m'effraie plus… ou presque.
Au contraire, elle va jusqu'à
m'inspirer des pensées de joie. On dirait que la mort m'apprend à vivre.
Si bien que j'en suis venu à penser que la vraie mort, ce n'est pas
mourir, c'est perdre sa raison de vivre.
Et bientôt, quand ce sera mon tour de
monter derrière les étoiles, et de passer de l'autre côté du mystère, je
saurai alors quelle était ma raison de vivre.
Pas avant.
Mourir, c'est savoir, enfin.
Sans l'espérance, non seulement la mort
n'a plus de sens, mais la vie non plus n'en a pas.
Ce que je trouve beau dans le destin
humain, malgré son apparente cruauté, c’est que, pour moi, mourir, ce
n’est pas finir, c’est continuer autrement.
Un être humain qui s’éteint, ce n’est
pas un mortel qui finit, c’est un immortel qui commence.
La tombe est un berceau.
Mourir au monde, c'est naître à
l'éternité.
Car la mort n'est que la porte noire
qui s'ouvre sur la lumière. La mort ne peut pas tuer ce qui ne meurt
pas. Or notre âme est immortelle. Il n’y a qu’une chose qui peut
justifier la mort…. C’est l’immortalité.
Mourir, au fond, c’est peut-être aussi
beau que de naître.
Est-ce que le soleil couchant n’est pas
aussi beau que le soleil levant ?
Un bateau qui arrive à bon port,
n’est-ce pas un événement heureux ?
Et si naître n’est qu’une façon
douloureuse d’accéder au bonheur de la vie,
pourquoi mourir ne serait-il pas qu’une façon douloureuse de devenir
heureux ?
La plus jolie chose que j'ai lue sur la
mort, c'est Victor Hugo qui l'a écrite.
C'est un admirable chant d'espérance en même temps qu'un poème
d'immortalité.
"Je dis que le tombeau qui sur la mort se
ferme, Ouvre le firmament, Et que ce qu'ici bas nous prenons pour le
terme Est le commencement."
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