Aussi vrai que vous êtes là, pendant qu’à l’Île d’Orléans, les sorciers reprenaient leur refrain : « Dansons à l’entour, toure-loure; dansons à l’entoure; » se trouvait en même temps, le châtiment de « La Corriveau ». Ça se passait à Saint-Vallier tout près de Lévis au Québec en 1749.
C’est pour vous dire que dans ce temps-là, on raconte qu’elle avait versé du plomb fondu dans l’oreille de son mari durant son sommeil. Après la mort de son mari, elle n’avait pas fini sa période de trois mois de veuvage, que Marie Joséphine Corriveau se remaria.
Une période trop courte de veuvage entraîna immanquablement la mise en marche d’un grand charivari, puisqu’elle se remariait avec Louis Dodier cultivateur du rang et cela au grand désespoir du clergé qui en interdisait l’évènement.
Elle se remaria et, après avoir vécu trois ans avec son second mari, « La Corriveau » profita du moment de sommeil pour lui briser le crâne avec un outil agricole. Pour cacher son crime, elle aurait traîné la dépouille mortelle dans l’écurie, placée derrière un cheval laissant ainsi croire que son mari aurait subi les ruades de l’animal.
« La Corriveau » fut accusée de meurtre. La cour martiale a d’abord condamné la veuve Dodier à 60 coups de fouet à neuf branches sur le dos nu, à trois endroits publics différents : sous la potence, le lieu habituel des exécutions; sur la place du marché de Québec et dans la paroisse Saint-Vallier. Elle devait recevoir 20 coups de fouet à chaque endroit, et à être marquée d’un « M » au fer rouge sur la main gauche.
Mais cette sentence ne fut pas exécutée. Le gouverneur Murray ratifia et confirma une nouvelle sentence. Son corps sera pendu dans les chaînes aux buttes à Nepveu, à l’endroit habituel où s’effectuaient les exécutions. Le cadavre fut mis dans une cage de fer qu’on exposa à la croisée des chemins à Pointe Lévis. Elle y demeura pendant longtemps, tellement longtemps que ses os se pétrifièrent et tous les gens des alentours évitaient de passer par là.
Depuis ce jour, à chaque nuit se fait entendre des grincements de ferment sur le plancher de la cage, des cliquetis d’ossements de même que des apparitions qui tourmentaient les femmes des environs. Les voyageurs qui osaient passer par là subissaient des désagréments.
Un jour, durant la nuit en passant par la fourche des quatre routes, un voyageur sentit deux grandes mains sèches comme des griffes d’ours, lui serrer les épaules. C’était « La Corriveau » qui s’agrippait à l’individu. La sorcière voulait se faire passer l’autre bord du fleuve béni pour danser avec ses amis de l’Île d’Orléans. Elle s’accrochait à lui en disant : - « Si tu refuses de m’y mener en chair et en os, après t’avoir étranglé, je monterai sur ton âme pour me traverser sur l’autre rive ».
Le lendemain matin, François Dubé, présent de corps et d’esprit, voyant le voyageur sur le dos à moitié ensorcelé trouva le pauvre homme dans le fossé, couvert de boue avec une bouteille vide à côté de lui et un petit oiseau bleu qui criait : - « qu’é-tu ? ». Dubé se mit à chanter : Dansons à l’entour, toure-loure ; dansons à l’entoure ;
Source : Revue Folk-Lore
Récit présenté et adapté par Robert Payant
Parole de mon défunt père, dit José de Locheill, qui m’a envoyé pour vous couper ça ! |