Cette année-là, il y avait une
épidémie de grippe Tépabola dans le
grand Nord, et on manquait de
médecins et de médicaments. Comme la
fête de Noël approchait de plus en
plus, le grand docteur Guéritou prit
l’avion pour le Pôle Nord avec son
fils Gustave pour aller soigner les
malades durant deux ou trois jours.
Une fois rendu, pendant que le papa
donnait des vaccins et prescrivait
des antibiotiques, le garçon, lui,
adorait jouer dans la neige,
construire des forts et des
bonhommes.
― Tu ne vas pas trop loin, hein, mon
garçon ?
― Non, non, papa, je vais rester aux
alentours.
Un après-midi, Gustave aperçut un
petit renne qui courait dans tous
les sens et il essaya de le suivre.
L’animal montait, descendait,
contournait les montagnes à une
vitesse folle, et le pauvre Gustave
n’en pouvait plus. Mais le renne
revenait toujours auprès de lui et
le regardait d’un air étrange, comme
s’il voulait lui dire : « suis-moi,
là où je vais. » Hélas, le jeune
garçon n’arrivait pas à courir aussi
vite dans la neige profonde.
À un moment donné, il s’arrêta,
épuisé. Le renne avait disparu. Il
se faisait tard, la noirceur avait
envahi le paysage, et Gustave devait
retrouver son père, au creux du
petit village. Il s’aperçut qu’il
était perdu. Autour de lui, il ne
voyait que de la neige, et encore de
la neige. Aucun village, aucune
lumière n’apparaissait, même au
loin. Il se mit à rechercher ses
traces dans la neige, mais le vent
avait tout effacé. Il commença à
pleurer.
― Papa, papa, viens me chercher, je
suis perdu...
Seul le silence de la nuit lui
répondit. Soudain, il eut le
sentiment que des yeux le
regardaient. C’était le petit renne,
revenu et arrêté net devant lui,
avec ses grands yeux brillants, son
nez rouge et son grand panache. Il
ne courait plus et marchait
lentement pour que le garçon puisse
le suivre. Tout à coup, Gustave
aperçut au loin une petite lumière
bleue. Il était sauvé ! Mais plus il
s’approchait, plus il trouvait
étrange le lieu où il se dirigeait.
Le garçon et le renne, arrivèrent
près d’une longue clôture sur
laquelle étaient inscrits ces mots :
ROYAUME DU PÈRE NOËL. Quoi ? Il
était rendu chez le père Noël ? Il
n’arrivait pas à y croire ! Une fois
devant la porte, le petit renne
donna un coup de patte sur la porte
qui s’ouvrit avec un grand
grincement inquiétant. Une jolie
dame s’approcha.
― Bonjour, Gustave ! Je suis la fée
des Étoiles et je suis bien contente
de te voir. Le petit renne au Nez
Rouge a bien fait d’aller te
chercher.
― Bonjour, madame. Je suis perdu et
j’aimerais bien retourner chez mon
papa. Il doit sûrement s’inquiéter.
― Ne t’en fais pas, nous lui avons
téléphoné pour l’avertir. Il
semblait très content de te savoir
ici.
― Je ne comprends rien à tout ça !
Que se passe-t-il donc ?
― Il se passe que le père Noël a
attrapé la grippe Tépabola et ne
pourra pas livrer les cadeaux aux
enfants sages, cette nuit. Nous
comptons sur toi pour le faire, car
moi, avec ma grande jupe, je ne
pourrai pas monter dans le ciel sur
un traîneau.
― Mais je ne sais pas conduire un
traîneau, moi ! Et je ne saurai même
pas où aller…
― Pas de problème, Gustave ! Le
renne au Nez Rouge et les autres
rennes connaissent le chemin par
cœur et ils sauront bien te
conduire. Les lutins Pif, Paf, Pouf
ont déjà installé les cadeaux dans
le traîneau. Ça va bien aller, tu
verras.
On entendit soudain trois énormes
éternuements. C’était le père Noël,
dans la chambre d’à côté, qui avait
entendu la conversation.
― Sniff ! Sniff ! Viens ici… mon
garçon, mais ne m’approche pas ! Je
préfère te parler de loin. At…chou !
Je veux te remercier d’avance pour
cet énorme service que tu vas me
rendre. At… chou ! Tu es très
gentil, mon petit Gustave. Je te
prête ma tuque, tiens ! Et il y aura
un cadeau pour toi juste au fond du
traîneau. Tu pourras le prendre
avant que mes rennes te ramènent
chez ton papa. Moi… sniff ! sniff
!... je vais essayer de dormir en
espérant me débarrasser de cette at…chou
! foutue grippe !
C’est ainsi que Gustave, aidé des
lutins du père Noël, distribua les
cadeaux de Noël aux enfants sages de
la terre, cette année-là. Il revint,
par la suite, trouver son père en
tenant une grosse boîte rouge dans
ses mains. Il la déballa avec
empressement pour y découvrir un
magnifique toutou en forme de petit
renne au Nez Rouge, tenant entre ses
pattes un gros sac de chocolats. Il
se dit que jamais il n’oublierait ce
beau Noël au Pôle Nord.
C’est à ce moment précis que le
cadran sonna, à côté du lit, et
qu’il entendit la voix de son père.
― Lève-toi, Gustave, c’est le temps
de prendre l’avion pour retourner
chez nous. J’ai terminé mon travail,
maintenant.
Gustave réalisa, à ce moment-là
seulement, que toute cette histoire
n’avait été qu’un beau rêve.
Joyeux Noël !
Micheline Duff (2014)
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