La fête des Rois ou
épiphanie est fixée par l’Église le 6 janvier. Mais en France, elle est célébrée
le premier dimanche de l’année. Elle fait mémoire de la visite des mages
d’Orient venus adorer l’enfant Jésus. Le jour des Rois porte le nom d’Épiphanie,
mot grec signifiant apparition ou première manifestation du Christ dans le
monde. Sylvie Barnay, historienne des religions, rappelle ici les traditions
liées à la fête de l’Épiphanie, et la fameuse galette des rois dans laquelle se
glisse la fève !
Le mot « épiphanie » est
d’origine grecque. Il signifie « apparition ». La fête de l’Épiphanie correspond
au jour où les rois mages, guidés par la lumière d’une étoile, arrivèrent
jusqu’à Jésus, dans l’étable où il est né.
Pour célébrer son
arrivée et en guise de respect, les rois Mages offrirent des cadeaux à Jésus :
de l’or, de la myrrhe (résine issue d’un arbre d’Arabie, le balsamier), et de
l’encens.
Pour beaucoup de pays,
ce jour-là est plus important que celui de la naissance même de Jésus, le jour
de Noël. En Espagne par exemple, ce sont les rois mages qui apportent les
cadeaux le jour de l’Épiphanie. C’est une fête importante, marquée par de
multiples défilés dans les rues.
Pourquoi mange-t-on
de la galette des rois ce jour-là ?
C’est l’Église qui
institua cette tradition typiquement française. Elle remonte au 13ème siècle
(entre 1200 et 1300 ans). À cette occasion, la galette était partagée en autant
de portions que d’invités, plus une part. Cette portion supplémentaire, appelée
« part du Bon Dieu » ou « part de la Vierge » était donnée au premier pauvre qui
passait.
La fève dans la galette
des rois remonte au temps des romains.
Au 11ème siècle (entre
1000 et 1100 ans), certains avaient pour habitude de désigner leur dirigeant en
cachant une pièce dans un morceau de pain. Une pièce d’argent, une pièce d’or ou
bien pour les plus pauvres une fève (haricot blanc). Celui qui la trouvait était
alors élu ! Plus tard ce pain fut remplacé par de la brioche.
La première fève en
porcelaine date des années 1870. Après les santons ce sont désormais des
figurines de héros des temps modernes qui trônent dans nos galettes !
Autrefois celui qui
tirait la fève était le « Roi du jour ». Il devait alors à son tour offrir une
galette pour ses invités. De sorte que tout le monde se régalait pendant
plusieurs semaines !
Qui sera le roi ?
Qui sera la reine ?
Galette des Rois
artisanale
La tradition veut
qu’elle soit l’occasion de « tirer les rois » à l’Épiphanie : une fève
(aujourd’hui remplacée par une figurine) est cachée dans la galette et la
personne qui obtient cette fève devient le roi de la journée et à le droit de
porter la couronne dorée en carton qui accompagne toujours cette galette. Il
doit offrir la prochaine galette.
Les gâteaux à fève
n’étaient pas réservés exclusivement au jour des Rois. On en faisait lorsqu’on
voulait donner aux repas une gaieté bruyante. Un poète du XIIIe siècle,
racontant une partie de plaisir qu’il avait faite chez un Seigneur qui leur
donnait une généreuse hospitalité, parle d’un gâteau à fève pétri par la
châtelaine : « Si nous fit un gastel à fève ». Les femmes récemment accouchées
offraient, à leurs relevailles, un gâteau de cette espèce.
Dans la Vie privée des
Français, Legrand d’Aussy écrit, que, dès 1311, il est question de gâteaux
feuilletés dans une charte de Robert II de Fouilloy, évêque d’Amiens. Souvent
même, on payait les redevances seigneuriales avec un gâteau de ce genre. Ainsi,
tous les ans, à Fontainebleau, le 1er mai, les officiers de la forêt
s’assemblaient à un endroit appelé « la table du roi », et là, tous les
officiers ou vassaux qui pouvaient prendre du bois dans la forêt et y faire
paître leurs troupeaux, venaient rendre hommage et payer leurs redevances. Les
nouveaux mariés de l’année, les habitants de certains quartiers de la ville et
ceux d’une paroisse entière ne devaient tous qu’un gâteau. De même, lorsque le
roi faisait son entrée dans leur ville, les bourgeois d’Amiens étaient tenus de
lui présenter un gâteau.
Un gâteau des Rois
aux fruits confits.
Le gâteau des Rois est
une sorte de brioche de forme torique (en forme de bouée) parfumée à l'essence
de fleur d'oranger recouverte de sucre et de fruits confits; c'est la version
du Sud de la France (surtout en Provence et Languedoc), de la Catalogne (ou elle
se nomme tortell), et de la plupart de l'Espagne (ou elle se nomme roscón), de
la galette des Rois pour célébrer l'Épiphanie. À Valence, elle se nomme « la
pogne ».
Il était d’usage, depuis
un temps immémorial, et par une tradition qui remontait jusqu’aux Saturnales que
la Rome antique célébrait sur la fin du mois de décembre et au commencement de
janvier, de servir, la veille des Rois, un gâteau dans lequel on enfermait une
fève qui désignait le roi du festin. Les Romains utilisaient la fève comme «
bulletin de vote » pour élire le roi du festin lors de ces fêtes de famille, qui
permettaient de resserrer les affections domestiques. Pour assurer une
distribution aléatoire des parts de galette, il était de coutume que le plus
jeune se place sous la table et nomme le bénéficiaire de la part qui était
désignée par la personne chargée du service. Tacite écrit que, dans les fêtes
consacrées à Saturne, on était dans l’usage de tirer au sort la royauté.
Étienne Pasquier a décrit dans ses Recherches de la France les cérémonies qui
s’observaient en cette occasion : « Le gâteau, coupé en autant de parts qu’il y
a de conviés, on met un petit enfant sous la table, lequel le maître interroge
sous le nom de Phébé (Phœbus ou Apollon), comme si ce fût un qui, en l’innocence
de son âge, représentât un oracle d’Apollon. À cet interrogatoire, l’enfant
répond d’un mot latin domine (seigneur, maître). Sur cela, le maître l’adjure de
dire à qui il distribuera la portion du gâteau qu’il tient en sa main, l’enfant
le nomme ainsi qu’il lui tombe en la pensée, sans acception de la dignité des
personnes, jusqu’à ce que la part soit donnée où est la fève; celui qui l’a est
réputé roi de la compagnie encore qu’il soit moindre en autorité. Et, ce fait,
chacun se déborde à boire, manger et danser. » C’est cet usage qui est passé
jusqu’à nous.
La Fête des Rois, de
Jacob Jordaens, v. 1640-45 (Kunsthistorisches Museum, Vienne).
Jadis, l’usage voulait
que l’on partage la galette en autant de parts que de convives, plus une. Cette
dernière, appelée « part du Bon Dieu », « part de la Vierge » ou « part du
pauvre » était destinée au premier pauvre qui se présenterait au logis. Au Moyen
Âge, les grands nommaient quelquefois le roi du festin, dont on s’amusait
pendant le repas. L’auteur de la vie du duc Louis II de Bourbon, voulant montrer
quelle était la piété de ce prince, remarque que, le jour des Rois, il faisait
roi un enfant de huit ans, le plus pauvre que l’on trouvât en toute la ville. Il
le revêtait d’habits royaux, et lui donnait ses propres officiers pour le
servir. Le lendemain, l’enfant mangeait encore à la table du duc, puis venait
son maître d’hôtel qui faisait la quête pour le pauvre roi. Le duc de Bourbon
lui donnait communément quarante livres et tous les chevaliers de la cour chacun
un franc, et les écuyers chacun un demi franc. La somme montait à près de cent
francs que l’on donnait au père et à la mère pour que leur enfant fût élevé à
l’école.
On tirait le gâteau des
Rois même à la table de Louis XIV. Dans ses Mémoires, Françoise de Motteville
écrit, à l’année 1648, que : « Ce soir, la reine nous fit l’honneur de nous
faire apporter son gâteau à Mme de Brégy, à ma sœur et à moi; nous le séparâmes
avec elle. Nous bûmes à sa santé avec de l’hippocras qu’elle nous fit apporter.
»
Un autre passage des
mêmes Mémoires atteste que, suivant un usage qui s’observe encore dans quelques
provinces, on réservait pour la Vierge une part qu’on distribuait ensuite aux
pauvres. « Pour divertir le roi, écrit Françoise de Motteville à l’année 1649,
la reine voulut séparer un gâteau et nous fit l’honneur de nous y faire prendre
part avec le roi et elle. Nous la fîmes la reine de la fève, parce que la fève
s’était trouvée dans la part de la Vierge. Elle commanda qu’on nous apportât une
bouteille d’hippocras, dont nous bûmes devant elle, et nous la forçâmes d’en
boire un peu. Nous voulûmes satisfaire aux extravagantes folies de ce jour, et
nous criâmes : La reine boit ! »
Louis XIV conserva
toujours l’usage du gâteau des Rois, même à une époque où sa cour était soumise
à une rigoureuse étiquette. Le Mercure galant de janvier 1684 décrit la salle
comme ayant cinq tables : une pour les princes et seigneurs, et quatre pour les
dames. La première table était tenue par le roi, la seconde par le dauphin. On
tira la fève à toutes les cinq. Le grand écuyer fut roi à la table des hommes;
aux quatre tables des femmes, la reine fut une femme. Alors le roi et la reine
se choisirent des ministres, chacun dans leur petit royaume, et nommèrent des
ambassadrices ou ambassadeurs pour aller féliciter les puissances voisines et
leur proposer des alliances et des traités. Louis XIV accompagna l’ambassadrice
députée par la reine. Il porta la parole pour elle, et, après un compliment
gracieux au grand écuyer, il lui demanda sa protection que celui-ci lui promit,
en ajoutant que, s’il n’avait point une fortune faite, il méritait qu’on la lui
fit. La députation se rendit ensuite aux autres tables, et successivement les
députés de celles-ci vinrent de même à celle de Sa Majesté. Quelques-uns même
d’entre eux, hommes et femmes, mirent dans leurs discours et dans leurs
propositions d’alliance tant de finesse et d’esprit, des allusions si heureuses,
des plaisanteries si adroites, que ce fut pour l’assemblée un véritable
divertissement. En un mot, le roi s’en amusa tellement, qu’il voulut le
recommencer encore la semaine suivante. Cette fois-ci, ce fut à lui qu’échut la
fève du gâteau de sa table, et par lui en conséquence que commencèrent les
compliments de félicitation. Une princesse, une de ses filles naturelles, connue
dans l’histoire de ce temps-là par quelques étourderies, ayant envoyé lui
demander sa protection pour tous les évènements fâcheux qui pourraient lui
arriver pendant sa vie. « Je la lui promets, répondit-il, pourvu qu’elle ne se
les attire pas. » Cette réponse fit dire à un courtisan que ce roi-là ne parlait
pas en roi de la fève. À la table des hommes, on fit un personnage de carnaval
qu’on promena par la salle en chantant une chanson burlesque.
En 1711, le Parlement
délibéra, à cause de la famine, de le proscrire afin que la farine, trop rare,
soit uniquement employée à faire du pain. Au commencement du XVIIIe siècle, les
boulangers envoyaient ordinairement un gâteau des Rois à leurs pratiques. Les
pâtissiers réclamèrent contre cet usage et intentèrent même un procès aux
boulangers comme usurpant leurs droits. Sur leur requête, le parlement rendit,
en 1713 et 1717, des arrêts qui interdisaient aux boulangers de faire et de
donner, à l’avenir, aucune espèce de pâtisserie, d’employer du beurre et des
œufs dans leur pâte, et même de dorer leur pain avec des œufs. La défense n’eut
d’effet que pour Paris et l’usage prohibé continua d’exister dans la plupart des
provinces. Quand vint la Révolution, le nom même de « gâteau des Rois » fut un
danger et Manuel, du haut de la tribune de la Convention, tenta sans succès
d’obtenir l’interdiction du gâteau des Rois, mais la galette triompha du tribun.
Peu après, un arrêté de la Commune ayant changé le jour des Rois en « jour des
sans-culottes », le gâteau n’eut plus sa raison d’être, mais cette disparition
ne fut que momentanée car il reparut bientôt sur toutes les tables familiales
dès que la conjoncture le permit. |