À l’époque (en Belgique), où les tonneaux de bière étaient encore transportés vers les auberges de campagne par des attelages de chevaux, j’habitais à la campagne.
Malgré mon jeune âge, j’avais l’impression d’être autant occupé que les adultes, mais les journées se déroulaient de manière moins agitée qu’aujourd’hui. Les loisirs organisés étaient remplacés par du temps libre et la télévision n’existait pas.
On observait tout ce qui se passait alentour. Je prenais un malin plaisir à regarder s’affairer les adultes. La personne qui me fascinait le plus était Peter Jeker surnommé Peschi le boucher. Il était extrêmement adroit pour couper les escalopes de porc, précis et rapide pour tailler le jambon à l’os.
J’admirais également le soin infini qu’il prenait à peser tous les ingrédients prévus pour les biftecks hachés. Tous ces travaux, qu’il exécutait jour après jour, avaient pour moi quelque chose de magique. Aujourd’hui, c’est comme si c’était hier. J’admire encore l’élégance de ses mouvements.
Chaque année, la veille du jour de Noël, j’avais le droit d’accompagner ma mère chez le boucher lorsqu’elle allait acheter son rôti pour les jours de fête. Elle aussi semblait fascinée par ce beau jeune homme. Je pense aujourd’hui que c’était ses bras musclés qui l’attiraient tout particulièrement. Quant à moi, j’admirais le grand morceau de viande rose que le boucher Peschi retirait de la chambre froide.
Sur le chemin du retour, je me réjouissais déjà du festin qui nous attendait le soir de Noël. J’attendais également avec plaisir la visite de mon grand-père, dont le souvenir était indissociablement lié à l’odeur de son cigare, et me réjouissais dans l’attente des chansons qu’on allait entonner à table. L’atmosphère avait toujours quelque chose de festif et de chaleureux.
Un jour, lorsque mon père s’apprêtait à couper en tranches le rôti au fumet merveilleusement odorant sortant tout droit du four, on frappa à la porte. À peine visible parmi les milliers de flocons de neige, mon grand frère apparut, un large sourire aux lèvres. À l’époque, il travaillait à l’étranger et ne rentrait que rarement à la maison. Nous ne l’avions plus vu depuis plus de trois ans. Pour moi, c’était le plus beau des cadeaux que je n’avais jamais reçu.
Ce soir-là, mon frère raconta des histoires captivantes venues d’ailleurs, histoires que j’avais d’ailleurs du mal à comprendre. J’écoutais attentivement le son de sa voix jusqu’au moment où je m’assoupis à côté du feu de cheminée.
© Dany
décembre 2003
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