Donnez-moi, Seigneur, un coeur de Noël !
Non pas un coeur bêtement sentimental qui s'émeut devant la
crèche parce
qu'il se souvient de son enfance.
Non pas le coeur agité par les préparatifs de la fête matérielle
et qui est satisfait lorsque la dinde est cuite, le sapin orné,
les guirlandes disposées et qu'il fait bon s'assoir pour se
reposer les pieds en attendant les invités.
Non pas le coeur étroit que seuls préoccupent ceux qu'il aime et
moins encore le coeur égoïste qui n'attend de Noël que ces
cadeaux soi-disant dus !
Donnez-moi un vrai coeur de Noël, c'est-à-dire un coeur qui
communie en ce jour à la misère du monde, comme le fit votre
Fils !
Un coeur épanoui de savoir que depuis deux mille ans l'espérance
est vivante.
Un coeur allégé. Allégé au moins du poids de ces péchés qui
règnent sur nos vies, de ces péchés dans lesquels je retombe et
dont la fréquence me désespère.
J'oublie que je suis un homme en marche et qu'il est impossible
de marcher sans parfois se tordre un peu le pied. Sur le chemin
du ciel, je me foules les chevilles mais dites, Seigneur,
regardez-vous mon allure ? Me prenez-vous pour un mannequin qui
présente la haute couture de votre grâce ou un pauvre piéton qui
chemine lentement mais sûrement vers vous ?
Un jour, vous ne me demanderez pas comment était ma démarche, si
j'étais aussi élégant qu'une star de cinéma, encore que bien
souvent celle-là brille à tout autre firmament que le vôtre,
mais vous me demanderez simplement si j'ai continué à marcher.
À marcher avec mon coeur qui s'intéresse à tant de choses et
parfois Vous découvre tout petit et perdu, comme vous l'étiez
dans la crèche. Qui Vous découvre dans le lent piétinement des
actions monotones. Qui Vous découvre dans les autres, dans les
autres que, comme moi, vous aimez.
Seigneur, faites-moi un coeur de Noël pour apprendre à me mettre
à la place des autres.
Donnez-moi un coeur de Noël pour comprendre que les autres sont
si différents de moi, que je dois peut-être leur offrir ce que,
moi, je n'aimerais pas.
Offrirais-je une belle pipe à une femme ? Me donnerait-elle des
aiguilles à tricoter ?
Donnez-moi un coeur de Noël pour comprendre tellement les autres
que, comme Vous, je sois prêt à entrer dans leur jeu.
Même si, comme pour Vous, le jeu coûte cher, mais, n'est-ce pas
avec Vous que nous le jouons ?
R. P.Robert Bastien. o.m.i.
Source :
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