Un jour, le
soleil en se levant me fit signe de ses rayons.
Je ne compris pas tout de suite.
Mettez-vous à ma place : je ne savais pas ce
qu'il voulait ! Il m'invitait à le suivre, mais,
sur le pas de la Porte-des-Habitudes, je n'osais
pas bouger.
Pourtant, après quelques instants
d'hésitation, je fis deux pas en avant et...
clac ! La Portes-des-Habitudes se referma !
Prise de panique, je revins sur mes
pas, mais il n'y avait rien à faire, toutes mes
tentatives furent vaines. La porte refusait
obstinément de s'ouvrir.
Je m'assis, la tête dans les mains, et
me mis à pleurer.
Le soleil m'envoya un petit rayon
câlin, brillant juste ce qu'il fallait pour ne
pas m'effrayer, il ne me restait plus qu'à le
suivre.
Je me mis lentement en route.
Je demandai au soleil de me promettre
de ne pas m'abandonner, de rester toujours près
de moi, mais il ne répondit pas.
Je ne savais que penser. Je n'étais pas
rassurée.
Je regardais souvent en arrière, mais
la Maison-du-Passé devenait de plus en plus
petite, de plus en plus floue.
Je n'avais pas eu le temps de faire mes
bagages avant de partir, mais j'avais des
réserves sur moi : quelques bonnes vieilles et
énormes peurs, de divers complexes, et aussi
beaucoup de manques dont les deux principaux
avaient pour nom : "Manque-de-Tendresse" et
"Manque-de-Confiance-en-Moi".
Je pouvais compter sur eux tous, ils
répondaient toujours présents.
Au début, cela me rassura un peu, je
restais en pays de connaissances.
Chemin faisant cependant, une peur me
lâcha, une petite, je ne m'en aperçus pas tout
de suite.
Puis une deuxième à son tour s'en alla,
une troisième suivit de près.
Cela devenait inquiétant. Si elles me
laissaient toutes tomber, comment me
reconnaîtrais-je ?
Je ne pouvais plus les rattraper, mais
je me promis de veiller sur les autres. Si elles
pensaient que j'allais me laisser faire, elles
se trompaient lourdement.
Mes complexes, eux, étaient fidèles,
ils ne me quitteraient pas de sitôt ! Et les
manques ne risquaient pas d'être comblés trop
vite, j’étais vigilante.
Cependant, mon inquiétude se transforma
en angoisse le jour où je constatai que le
Manque-de-Confiance-en-Moi avaient les traits
tirés.
Je tentai aussitôt de le fortifier en
lui montrant, en toutes lucidité tous mes
défauts. Rien n'y fit, au contraire.
À peine un défaut s'annonçait-il qu'une
qualité que j'ignorais, à qui je n'avais jamais
adressé la parole, qu'une qualité nouvelle
venait à sa rencontre. Le défaut pâlissait,
s'éloignait, se recroquevillait et bientôt
n'occupait plus qu'une toute petite place.
Malgré tous mes efforts, plus le
Manque-de-Confiance-en-Moi s'étiolait,
dépérissait, plus les peurs filaient.
Le Manque-de-Tendresse se manifesta,
d'abord timidement, puis de plus en plus fort,
jusqu'à se faire remarquer.
Au début, il n'y avait que moi qui
l'entendais, mais il réussit à soudoyer ma
bouche pour pouvoir s'exprimer et demander ainsi
à être comblé.
Je fis des demandes incroyables dont
certaines furent entendues.
Devant cette débâcle, je ne savais plus
ni qui j'étais, ni qui j'aimais, ni où j'allais
! Par moments je ne voyais même plus le soleil,
il me fallait alors le chercher et j'avais
l'impression qu'il ne reparaîtrait jamais.
Peu à peu, je remarquai cependant que
je pouvais continuer à avancer même s'il n'était
pas là. Il avait laissé en moi quelques-uns de
ses rayons.
Mais j'avais encore besoin de recharger
mes batteries, il me fallait souvent encore
m'assurer qu'il n'était pas trop loin. Je
n'avais pas compris que je pouvais moi aussi
devenir soleil, rayonner aussi un jour !
Il m'a fallu du temps.
J'avais eu besoin que le soleil me
montre la Voie, qu'il ait beaucoup de patience,
beaucoup de douceur, pour que je puisse enfin
vivre par moi-même.
Pour que j'ose partir plus loin, pour
que j'accepte aussi de le laisser éclairer
d'autres personnes.
Oh ! Cela ne veut pas dire que je n'aie
plus envie de sa présence mais simplement que je
le suivais par besoin.
Aujourd'hui, je peux m'éloigner de lui
par Amour. Le soleil m'a aidé à comprendre qu'il
n'était pas possible d'aimer sans une autonomie
personnelle.
Dans ma vie actuelle je sais qu'aimer,
c'est être heureux que l'autre puisse être
heureux sans moi !
Auteur :
Jacques Salomé - Contes à guérir Contes à
grandir
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