Quand certaines
personnes sentent monter en elles une forte émotion de colère, elle
se disent :
« Non, il ne faut
pas que ça sorte. La colère n’est-elle pas un des sept péchés
capitaux ? Ce n’est pas aujourd’hui qu’on va commencer à faire son
éloge. »
La colère comme émotion est bonne et saine, comme
toute émotion l’est d’ailleurs. Je ne parle pas ici de la haine bien
ancrée dans le but de nuire à quelqu’un et de le détruire, mais de
ce sentiment instinctif qui monte en nous face à une injustice
personnelle ou sociale.
Refréner ce sentiment, ne pas lui permettre
de s’exprimer convenablement va non seulement nous créer beaucoup de
problèmes, mais aussi laisser fermée la porte que nous voulions
précisément ouvrir sur un pardon possible.
Bien que la colère soit un mouvement violent de
l’âme, elle contient du positif, parce que c’est une réaction
naturelle de défense et une juste mise en garde.
Tout au contraire,
la haine et le ressentiment collent au coeur comme un cancer. C’est
une colère sourde (non exprimée) qui va faire beaucoup de ravages en
soi et dans les autres.
Aussi longtemps qu’on refuse de la
reconnaître et de l’identifier pour essayer d’en tirer le meilleur
parti, ça va pourrir à l’intérieur et se manifester d’une autre
façon un jour ou l’autre.
Autant une émotion de colère exprimée
spontanément est bénéfique, autant une colère refoulée est néfaste
pour soi et pour les autres. Car, ce qui est refoulé est toujours
là, en attendant de se manifester de façon fracassante,
incontrôlable et donc négative.
La personne qui refuse de
reconnaître sa colère la transfère habituellement sur d’autres. Une
femme qui prétendait avoir tôt fait de pardonner à son fils de
s’être suicidé, n’arrivait pas à comprendre comment Dieu pouvait lui
avoir pardonné un tel acte. Elle projetait sur Dieu sa colère
refoulée. Par la suite, une bonne conseillère a pu l’aider à assumer
ses sentiments de culpabilité et de colère.
Une colère refoulée
peut aussi se retourner contre soi-même. Alors on commence à
s’accuser et à se punir, quitte à piquer une bonne dépression dans
un avenir prochain. Et les manifestations d’une colère refoulée sont
presque infinies et toutes négatives.
Les médecins savent bien
qu’une colère non exprimée ou exprimée trop maladroitement peut
engendrer des maladies psychosomatiques. Cela, en effet, suppose à
l’origine une grande dépense d’énergie et du stress, et, par la
suite des maladies cardiaques, de l’arthrite, des ulcères, de
l’asthme, de l’hypertension et des migraines – excusez-moi si j’en
passe - .
En un mot, la colère rentrée peut provoquer des états
pathologiques et névrotiques, tant et si bien qu’il ne reste plus
d’énergie pour pardonner.
L’émotion de la
colère est bénéfique, selon l’usage qu’on en fait. Une juste
manifestation de colère suppose qu’on ne veut pas rompre le contact
avec l’offenseur, mais bien plutôt le rétablir en enlevant les
obstacles qui s’opposent précisément à la communication.
Une montée
de colère est une sonnette d’alarme où il nous est dit : "Attention
que l’on n’abuse pas de toi en marchant sur tes plates-bandes ou sur
celles d’autres personnes".
Elle réveille mon énergie morale pour me
mettre à même d’affronter une injustice personnelle ou sociale.
Certaines gens ne
cessent d’avaler leur colère, de peur qu’elle n’éclate un jour ou
l’autre. C’est très mauvais. Que faire alors ? Quand on la sent
monter, il faut qu’on l’accueille comme une amie, puisqu’elle vient
nous protéger. On ne la repousse pas, on négocie avec elle de façon
à ce qu’elle s’exprime de manière convenable et sans blesser
personne.
Ainsi, nous devenons capables de frayer un chemin vers le
pardon, car c’est à cela qu’il faut aboutir en fin de compte. Mais
personne n’a jamais pu négocier avec une colère refoulée. Si tel est
le cas, sachons en demander la permission.
L’émotion de la colère
n’est pas quelque chose à ignorer, ni à suivre aveuglément
d’ailleurs, mais à admettre franchement et à maîtriser au meilleur
de notre connaissance.
Si nous disons à la
colère un non catégorique, soyons sûrs qu’il se formera en nous des
noyaux durs qu’on appelle aussi complexes, et cela va nous
tyranniser aussi longtemps que nous ignorerons les émotions qui
montent en nous.
Nos émotions ne sont jamais neutres :
- Exprimées et
canalisées, elle nous rendent service et nous libèrent.
-
Refoulées,
elles ne montent plus, mais descendent au plus profond de nous-mêmes
et sont capables de nous détruire, jusqu’au jour où nous serons
d’accord pour avoir avec elles une entrevue cordiale et
constructive.
Si on garde en soi
du ressentiment ou de la colère envers l’offenseur, sous prétexte
qu’on ne veut pas se faire attaquer de nouveau, sachons qu’il y a
d’autres moyens de se faire respecter sans se détruire par la même
occasion.
Une femme, animée par la haine, avait perfectionné ses
études pour prouver à son ex-conjoint sa capacité d’autonomie
financière. N’agir que pour prouver quelque chose à autrui, et sous
le couvert de la haine, ça peut motiver pendant quelque temps, mais
un jour cette personnes va infailliblement craquer.
La morale de cette
histoire est qu’il ne faut en aucun cas brimer ses émotions, quelles
qu’elles soient, ne jamais les refouler, mais au contraire leur
permettre de s’exprimer de façon convenable, sans tout casser autour
de soi. Elles sont là pour nous venir en aide. Nous serions bien mal
inspirés de faire d’elles nos pires ennemis.
Adapté par : Marcel Provost
Tiré de: Le Messager de Saint-Anoine |