De nos
cinq sens, le toucher
est sans doute celui dont
j’ai le moins conscience.
J’apprécie les odeurs,
j’aime voir les couleurs,
entendre la musique,
je me régale de nourriture,
par contre, le toucher ! ! !
Pourtant le toucher est bien
lié aux quatre autres sens.
Si je touche une pomme,
instinctivement je l’entends
croquer dans la bouche,
et du regard déjà je la
déguste, après avoir senti
son odeur,
je la sens physiquement dans
mon estomac.
Et là le ressenti est
agréable et me procure une
joie intérieure.
C’est donc que les cinq sens
sont étroitement liés.
Il y a certaines choses que
j’aime toucher.
Tripoter une pelote de laine
par exemple
me donne une sensation de
douceur et de chaleur.
Étreindre un arbre raffermit
ma force.
Une feuille, un brin d’herbe
est également une source de
vie
qui m’émeut et me régénère.
Prendre un fruit dans la
main
est un geste auquel je
prends beaucoup d’attention.
J’aime à le prendre
délicatement
et par ce geste épouser sa
forme.
Je deviens un peu,
la pomme, la pêche ou la
poire que je touche.
Et pour ne pas enlever leur
noblesse et leur pureté,
j’évite également de toucher
les fleurs quelles qu’elles
soient.
Je préfère les prendre par
la tige,
comme je prendrais un enfant
par la main.
Cette sensation de petite
main dans la mienne
est certainement ce qui me
touche le plus au monde.
Il est vrai que, dans mes
premières années de vie,
et il y a de cela 70 ans
environ,
nous n’étions pas habitués
aux démonstrations de
tendresses
et d’étreintes physiques.
Je ne me souviens pas avoir
été sur les genoux d’un de
mes parents.
Je n’en ressentais
apparemment pas le besoin.
Je n’ai jamais pris de coup
physique
et je n’ai pas souvenir non
plus
de blessures ni de douleur
physique.
Mais ce que je me souviens
et dont je me rappelle comme
si c’était hier, c’est de l’odeur de la cave
et aussi de la vue des
Dahlias
qui fleurissaient dans notre
jardin.
Étant la dernière d’une
famille de 7 enfants,
donc pas vraiment souhaitée
il faut bien l’admettre,
il n’y eut pas un instant où
j’ai eu le sentiment de
n’être pas aimée.
Ma vie s’est déroulée ainsi
sans besoin physique
particulier.
Par contre, sur le plan
affectif, tout me
« touche ».
Comme l’aveugle et le sourd,
un autre c’est développé en
moi.
Je ne vais pas pleurer sur
une souffrance physique par
exemple,
mais à l’idée qu’un enfant
puisse perdre sa maman,
cette pensée seule me touche
et m’émeut très
profondément.
La sensation d’une petite
main est bien agréable…
Oui mais…
Une grande et bonne poignée
de main ?
À en croire quelques
personnes
à qui j’ai parlé de cette
question
et qui sont chaque matin en
présence d’un directeur
ou d’un collègue de travail,
chacune me disait
l’importance de cette main
serrée.
Elle engage chaque partie à
travailler
pour un même but et dans un
respect réciproque.
Pour certains c’est une
simple accolade et pour
d’autres,
les jeunes surtout, se font
la bise en arrivant.
Ainsi la journée commence
sous des auspices agréables.
Jeannine me disait s’être
trouvée en présence
d’une personne dont la peine
était si grande,
qu’instinctivement elle
passa sa main dans le dos de
cette jeune dame.
Quelques heures après cette
personne revient vers
Jeannine et lui dit :
- Pourriez vous me dessiner encore un rond dans le
dos ?
Cette manifestation lui
avait fait visiblement
le plus grand bien
puisqu’elle souhaitait
renouveler l’expérience.
Un jeune papa, lorsque son
bébé pleurait la nuit,
avait pris l’habitude de le
mettre un moment sur son
thorax
et là, les deux, ils
s’endormaient paisiblement.
Évidemment une fois cette
habitude prise,
l’enfant obligatoirement en
« redemandait » à la grande
joie du père
bien entendu qui ne se
faisait pas prier pour
satisfaire le souhait du
bébé.
Une troisième personne
disait avoir été séduite par
son mari
par la façon qu’il avait de
l’étreindre.
Dans cette étreinte elle
retrouvait l’image du père
qu’elle n’avait pas eu
mais qu’elle avait toujours
imaginé la prendre dans ces
bras.
Je pense que si le toucher
physique n’a pas été
développé
dans son tout premier âge, c’est comme si l’on
naissait aveugle ou sourd.
Un autre sens est
instinctivement développé.
L’aveugle se fie d’instinct
au toucher,
alors que le sourd se fie à
la vue
et chacun d’eux se repèrent
également à l’odeur.
J’ai croisé des personnes
sourdes le long de ma vie
mais aucune d’elles ne s’est
plainte de sa surdité.
Au contraire, j’ai suivi un
cours de la langue des
signes
et notre professeur, sourde
dès l’âge de deux ans,
disait être réfractaire à
l’implantation d’appareil
chez un enfant sourd
car disait-elle, il y a une
raison à un handicap
et chaque individu doit
régler lui-même son
problème.
Plusieurs adultes sourds
sont, paraît il, eux aussi
de cet avis.
Je vois demain après midi
une dame, de 6 mois mon
aînée,
qui cherche désespérément un
compagnon.Elle va d’échecs en échecs
et supporte très mal ce
manque.
Alors je dis :
« merci mon ange pour
m’avoir donné autre chose
qui remplace le besoin de
toucher ou d’être touchée »
Je me souviens d’une vieille
dame que j’aimais beaucoup.
Elle avait toujours des
paroles de sagesse
et je l’écoutais avec
beaucoup d’intérêts.
J’allais quelques fois lui
rendre visite.
J’aimais beaucoup
l’entendre, mais elle avait
la fâcheuse habitude en
parlant de poser sa main
sèche
et serrer mon poignet avec
énergie.
J’ai dit " la fâcheuse
habitude ",
tu auras sans doute compris
le sentiment désagréable
que je ressentais à cette
pression.
Je crois que ce n’est pas
tellement la sensation
de sa main sèche et osseuse
qui me gênait,
c’était plutôt
l’autoritarisme qui s’en
dégageait.
Je la laissais faire sans
broncher évidemment,
pensant que c’était pour
elle le besoin de dire
« j’existe encore ».
Elle avait été très belle,
très indépendante et avait
pu acheter tout ce qu’elle
souhaitait,
elle n’avait été limitée en
rien.
Maintenant elle était là «
en attente ».
Elle me répétait très
souvent : "Savez-vous que tout nous est
que prêté."
Cette dame a transité à
l'âge de 90 ans, elle croyait à la
réincarnation.
Auteur
: Denise Weissbrodt
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