Les
rennes piaffaient d’impatience. Le traîneau attendait dans la
poudreuse que l’ordre de départ fût donné. Dans ses mains gantées,
le Père Noël tenait la lettre que lui avait envoyée Charlotte la
marmotte. Il la relisait une dernière fois…
"Cher Père Noël
Les copains se moquent de moi parce qu’ils disent que je dors tout
le temps. Ce n’est pas vrai, je dors presque tout le temps, mais pas
complètement tout le temps ! Pour dormir encore un peu moins tout le
temps, j’aimerais bien avoir un nouveau réveil comme cadeau, mais un
spécial, qui réveille vraiment. Un clocher par exemple. Les autres,
je ne les entends pas. Au contraire, leurs tic-tac ont tendance à
m’endormir. Merci Père Noël !
Bon, je vais me
recoucher.
Charlotte"
Ah ! cette Charlotte,
quel numéro ! pensa le Père Noël en glissant un large sourire dans
sa barbe blanche. Si le Père Noël souriait, c’est parce qu’il se
souvenait que l’année d’avant, Charlotte avait déjà demandé un
réveil, et l’année encore avant, encore un réveil. Cette fois, il
fallait la satisfaire.
Il vérifia que le
cadeau qu’il lui destinait était bien dans sa hotte et grimpa sur
son traîneau. Une minute plus tard, il traversait le ciel comme une
comète.
La nuit était déjà
très avancée quand il survola les montagnes immaculées où vivait
Charlotte. Sans bruit, il se glissa chez elle, guidé par des bruits
étranges, et la découvrit calée contre une paroi dans le fond de sa
chambre. Il le savait, la plupart des enfants, dans l’espoir de
l’apercevoir, essayaient de rester éveillés le plus longtemps
possible le soir du réveillon, jusqu’à ce que, vaincus par la
fatigue, ils s’écroulent un peu avant son arrivée.
Avec Charlotte, aucun
risque ! La petite marmotte était allongée sur le ventre, une
expression de félicité béate sur le visage. Un petit sourire lui
étirait la bouche, et un léger ronflement faisait vibrer ses
moustaches.
Le Père Noël étudia
les lieux et dut se forcer pour ne pas rire : chez Charlotte, depuis
l’année précédente, les réveils avaient fait des petits ! Ils
s’étaient multipliés ! Sans doute en avait-elle reçu pour son
anniversaire ou pour la Sainte Charlotte. Sur des étagères
s’alignait une belle collection de cadrans, des gros, des petits,
des lumineux, à cloche et même une horloge qui devait abriter le
coucou qui fait coucou toutes les heures. Le bruit qu’il avait
perçu, c’était celui du concert de tic-tac qui envahissait la pièce
et berçait la bienheureuse.
Un soupir le fit se
retourner. Charlotte avait roulé sur le dos. Ses pattes repliées sur
son ventre de fourrure, elle souriait aux anges des marmottes. À
quoi rêvait-elle ? Le Père Noël aurait juré que ce n’était pas à une
sonnerie stridente.
Il récolta les réveils
alignés, les entreposa sous une épaisse couverture qui en atténua
considérablement le bruit et posa son cadeau sur une étagère.
Délicatement, il enleva le papier, car il savait qu’elle ne le
ferait pas tout de suite, et en sortit… un réveil, mais un réveil
dont le cadran était un peu spécial. À la place des chiffres
habituels, les douze mois de l’année y faisaient une ronde. Il régla
la minuterie sur le mois d’avril et trouva sur un bureau de quoi
rédiger une lettre. D’une écriture soignée, il commença :
"Chère Charlotte. Laisse tes copains se moquer un peu, ce n’est pas grave. Je crois
que tu leur manques, c’est tout, mais explique-leur qu’il ne faut
pas forcer la nature. La tienne est de te reposer. Profites-en ! Et
tu fêteras Noël au printemps ! Joyeux Noël, marmotte au bois dormant ! Le Père Noël"
Il déposa l’enveloppe
auprès du cadeau et sortit sur la pointe des pieds. Mais il savait
cette précaution inutile. Le petit ronflement l’accompagnait…
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
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