Il faisait un froid de canard en ce mois de décembre, et Noël
approchait. Mais un froid de canard, ce n’est pas très froid pour un
pingouin. Marcellin était un pingouin sage et prévenant. Il aidait
sa maman à pêcher les poissons et ne laissait jamais traîner ses
affaires dans l’igloo familial. Aussi attendait-il la venue du Père
Noël avec impatience.
Impatience, et inquiétude, car les livres qu’il avait lus lui
avaient appris qu’on devait se plier à un rituel précis : la nuit de
Noël, il fallait poser ses chaussons au pied de la cheminée. Or, de
cheminée, il n’y en avait pas dans son igloo ! Et a-t-on déjà vu un
Père Noël, des cadeaux plein sa hotte, sonner à la porte, comme un
vulgaire vendeur de manteaux rouges ?
Qu’à cela ne tienne, il allait en fabriquer une !
Ses parents partis pour plusieurs jours de pêche, il en profita pour
mener son projet à bien. Il découpa des blocs de glace qu’il traîna
chez lui pour construire une magnifique cheminée. Enfin, il creusa
le toit qui offrait au conduit une ouverture vers le ciel.
À leur retour, ses
parents s’extasièrent.
- Tu
es doué, dis-moi, lui dit son papa. Dommage qu’on ne
puisse pas s’en servir, de ta cheminée !
Le petit pingouin ne
répondit rien. Son père pensait sans doute au bois qui manquait pour
allumer un feu. Mais Marcellin avait tout prévu. Son ami Roch le
phoque, avait trouvé sous la banquise une épave de bateau. Il lui
avait ramené quelques morceaux de la coque, qui avaient eu le temps
de sécher depuis. Ils formaient maintenant un tas de bûches qu’il
avait caché au fond de sa chambre.
24 décembre. À cette
heure-là, le Père Noël devait atteler son traîneau. Marcellin
attendit que la maison soit endormie et il déposa en silence
quelques bûches dans l’âtre de sa cheminée.
Peu après, les jolies
flammes d’un feu entamèrent devant lui une danse du ventre.
Marcellin pensa au Père Noël. « La fumée le guidera vers la maison,
et quand il entrera chez nous, il pourra se réchauffer. »
Content de lui, il
retourna se coucher.
Le lendemain matin,
aux aurores, il ouvrit un œil et sortit de sa chambre en glissant
sur le ventre, pressé de découvrir ses cadeaux. Mais de cadeau, il
n’y en avait pas. Il n’y avait pas non plus de chaussons. Et il n’y
avait pas non plus de cheminée. À la place, un grand trou dans le
sol, au fond duquel, très loin, clapotait une eau sombre.
- Je
te l’avais dit qu’on ne pouvait pas se servir de la
cheminée ! fit son papa en posant une aile sur son
épaule. La glace, ça fond. Mais tu n’as pas écouté.
- Je
suis désolé, dit Marcellin, des sanglots dans la
voix.
- Ce
n’est pas grave, mon grand. Je comblerai le trou.
La tête basse, le
petit pingouin retourna, d’un dandinement triste, dans sa chambre. À
coup sûr, le trou avait avalé ses cadeaux, en même temps que ses
chaussons.
Son cœur fit soudain
un bond au fond de sa poitrine. Au pied de son lit, un magnifique
paquet l’attendait. Il ne l’avait pas remarqué en se réveillant. Il
se précipita et ouvrit d’abord l’enveloppe posée dessus.
« Cher
Marcellin.
Il y avait beaucoup de chaleur chez toi, mais ce
n’était plus celle du feu. C’est l’intention qui
compte. Voici un cadeau pour toi, et rien que pour
toi. Joyeux Noël.
Le Père Noël. »
Le petit pingouin
ouvrit son cadeau. Ses parents s’approchèrent sans bruit.
-
Alors ? dit sa maman. Tu as été gâté ?
- Oh
oui, dit le petit pingouin. Regardez, c’est une
panoplie de pompier !
Très fier, il enfila
la veste en cuir et se coiffa de son casque argenté. Puis, gonflant
sa poitrine, annonça :
- Je
vous présente le premier, et le seul pompier de la
banquise !
- Tu
es donc un pinponpingouin ! répondit sa maman.
Et serrés les uns
contre les autres, ils allèrent fêter ça.
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
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