Manolo l’escargot
tirait un trait bien droit dans la neige. Ce trait ne durait pas.
Les flocons qui tombaient avec grâce pesaient sur sa coquille et
comblaient rapidement sa trace. Il glissait dans la forêt
silencieuse.
Soudain, le sol se mit
à trembler. Bientôt, le souffle chaud d’Alain le poulain fit fondre
les flocons sur son dos.
- Où tu vas comme ça ?
lui demanda Alain dont les flancs dégageaient un nuage de vapeur.
- Bof
! Pas bien loin, répondit Manolo.
- Bon,
on se voit plus tard, j’ai besoin de me dégourdir
les pattes.
Et tous deux
repartirent, chacun à son allure.
Un mètre plus loin,
Manolo leva ses cornes vers le ciel d’où tombait la voix de
Christelle l’hirondelle.
-
Alors Manolo, on se promène ? lui dit-elle.
- Oui,
répondit Manolo, mais je ne m’éloigne pas vraiment.
Elle se mit à rire et
le salua d’un battement d’ailes.
Ce fut bientôt Simonin
le lapin qui se porta à sa hauteur.
-
Alors Manolo, tu te prépares pour Noël ?
- Bah
! Je serai bien content si je suis revenu chez moi
pour le réveillon !
-
Sacré farceur ! lui lança Simonin en s’éloignant par
petits bonds rapides.
Après son départ,
Manolo resta un moment sans bouger. Ses amis en avaient de la
chance, eux qui venaient et disparaissaient en un éclair ! Que
connaîtrait-il du vaste monde, lui, Manolo, qui se déplaçait à une
vitesse d’escargot ?
Depuis qu’il avait
quitté sa maison, au matin, il n’avait réussi qu’à traverser un pré
enneigé. Il savait que le monde est plus vaste qu’un pré, bien plus
vaste, et qu’il se refuse aux escargots incapables de le traverser.
Il fallait oublier,
repartir, sa maison n’était qu’à une vingtaine de mètres et on
l’attendait, mais il se sentait si fatigué… si fatigué…
Il avait dû s’endormir
car une étroite planche de bois lui barrait le passage, le séparant
de sa maison. Au-dessus, ce qui ressemblait à un chariot lui
bouchait en partie le ciel criblé d’étoiles. Manolo se mit à
escalader, mais ne put aller bien loin.
- Vous
êtes prêts à repartir les enfants ? fit une grosse
voix dans la nuit.
Pour toute réponse, on
entendit un martèlement de sabots sur la neige. Le chariot tangua,
puis le morceau de bois sur lequel Manolo était juché se mit à
glisser, comme un ski, à glisser de plus en plus vite, et à
s’envoler !
Le vent fit frissonner
ses cornes. Manolo, comme Christelle l’hirondelle, planait
maintenant au-dessus de son pré qui ne fut bientôt pas plus grand
qu’un confetti. Il comprit qu’il se trouvait sur le traîneau du Père
Noël !
Toute la nuit, Manolo
fit un grand voyage. Il fondit sur des savanes lointaines, des
prairies sèches, des forêts touffues, des étendues de glace. À
chaque fois, le traîneau se posait et repartait.
En une seule nuit,
Manolo l’escargot vit le vaste monde comme ni Christelle, ni Simonin,
ni Alain ne le verraient jamais. Il aurait voulu que cette nuit ne
finisse jamais, mais elle devait finir… Ce fut son pré qu’il
reconnut enfin, aussi petit qu’un confetti, puis de plus en plus
grand.
Lorsque le traîneau
s’immobilisa devant chez lui, Manolo était rempli d’images du monde
entier. Il hésita avant de descendre car il serait bien reparti.
Mais un visage barbu apparut devant lui.
- Le
voyage t’a plu, Manolo ? lui demanda le Père Noël.
- Vous
saviez que j’étais là ? répondit-il, surpris.
- Oui,
le traîneau était beaucoup plus lourd que
d’habitude… Tu dois retrouver ta famille,
maintenant, et leur raconter ton beau voyage !
- Ils
ne me croiront jamais, dit Manolo en descendant du
traîneau.
- Tu
n’auras qu’à leur montrer ton dos ! Joyeux Noël
Manolo !
Et tandis que le
traîneau s’éloignait, Manolo tourna la tête. Collée sur sa coquille
comme sur une valise, une collection d’étiquettes s’étalait. Il lut
Australie, Brésil, Amérique, Groenland, Kenya…
Il portait maintenant
le vaste monde sur son dos.
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
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