En
fin d’après-midi, Juju la tortue pointa prudemment son nez hors de
sa carapace. Le froid avait durci la neige de la veille. Au ras du
sol, elle brillait comme le glaçage d’un gâteau sous la caresse du
soleil qui déclinait. Presque à regret, Juju sortit ses pattes.
- Ah gla gla !
fit-elle en en frissonnant. Mais pourquoi faut-il donc vieillir ?
Juju était la doyenne
de la forêt. Agathe la chatte pensait qu’elle avait cent ans, Apollo
le chiot jurait qu’elle en avait mille ! Les habitants de la forêt
l’avaient toujours connue et ils la rencontraient régulièrement au
cours de sa promenade quotidienne, un rite auquel elle ne dérogeait
jamais. Et qu’on fût le 24 décembre ne changeait rien à l’affaire.
-
Allez, en route ! s’encouragea Juju.
Elle grimaça car le
sol lui gelait toujours les pattes. En chemin, elle constata qu’on
s’activait partout en prévision du réveillon. Elle ressentit un
léger pincement au cœur à l’idée de passer le sien seule dans la
clairière où elle avait ses habitudes, mais elle chassa bien vite ce
début de tristesse.
Elle croisa tous ces
petits que Noël rendait particulièrement joyeux. En premier, Simonin
le lapin, ployant sous le poids d’un sac à dos.
-
Bonsoir Madame Juju ! lança-t-il.
-
Bonsoir, mon grand ! Mais, tu déménages ?
- Pas
du tout ! Je rapporte ses jeux à mon copain Léo !
Un peu plus loin, Juju
la tortue croisa Léo le blaireau, un sac sur son dos, lui aussi.
-
Bonsoir Madame Juju ! lança-t-il.
- Ne
me dis rien, mon grand ! Tu rapportes ses jeux à ton
copain Simonin ?
- Vous
avez deviné !
Encore un peu plus
loin, elle croisa Simon le hérisson.
- Toi
aussi tu portes un sac ! lui dit-elle en riant.
-
C’est-à-dire, ce sont les jouets de Ricardo. Il les
a oubliés chez moi l’autre jour !
Sur sa route, Juju
croisa encore deux sacs, avec en dessous Agathe la chatte et Apollo
le chiot. Puis cet étrange défilé de sacs cessa.
La nuit étant
brusquement tombée, elle rebroussa chemin. Elle avait hâte de se
reposer au pied de son arbre. Sauf qu’en s’en approchant, elle crut
noter quelques changements.
Après avoir parcouru
les derniers mètres, cette impression se confirma. Son petit coin de
forêt s’était métamorphosé. Un sapin trônait au milieu de la
clairière, décoré par des rubans, des bougies posaient des ronds de
lumière sur la neige et un repas de fête attendait qu’on s’occupe de
lui.
-
Voilà que j’ai des hallucinations maintenant ! dit
Juju.
Une volée de cris
joyeux lui fit comprendre qu’il n’en était rien. Sortant de leurs
cachettes, tous ses petits amis se précipitèrent autour d’elle.
-
Joyeux Noël, Madame Juju ! crièrent-ils.
- On
voulait fêter un peu Noël avec vous avant de
retrouver nos parents, expliqua Agathe, alors on
vous a préparé cette surprise.
- Ce
n’était donc pas des jeux que vos sacs
transportaient ! leur dit Juju, aussi gênée qu’émue.
Vous m’avez bien eue ! Comme vous êtes gentils !
- Vous
savez, enchaîna Ricardo le renardeau, ça nous fait
plaisir à nous aussi !
Et ils passèrent une
heure merveilleuse, à manger, danser, elle leur raconta des
histoires, ils lui chantèrent des chansons. Jusqu’à ce que Juju
sente la fatigue ralentir ses gestes.
- Je
dois me reposer maintenant, les enfants, dit-elle,
mes vieilles paupières s’alourdissent. Et puis j’ai
froid aux pieds. Mais je vous dis un grand merci !
J’ai passé un Noël formidable !
Toute la petite troupe
prit congé.
- Au
fait, vous avez demandé quoi au Père Noël ? demanda
Agathe en se retournant.
- À
mon âge, on n’attend plus rien ! dit-elle gaiement.
Et puis je n’ai même pas de chaussons à mettre au
pied du sapin !
Agathe partie, Juju
s’endormit très vite, d’un sommeil enchanté.
Au matin, en ouvrant
les yeux, elle crut à nouveau à une hallucination. Un paquet
l’attendait sous l’arbre décoré. Elle l’ouvrit. Il contenait quatre
chaussons bien chauds.
Posés sur la neige,
ils n’attendaient plus que les pattes d’une vieille tortue pour
aller se promener.
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
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