Sous
la chaleur, le sol craquait comme une biscotte. En cette période de
l’année, Garou le kangourou ne tenait plus en place. Chaque soir, sa
maman lui lisait des histoires de Père Noël, et chaque nuit, Garou
contemplait le ciel pur en imaginant qu’un bonhomme tout rouge avec
une barbe blanche en surgirait bientôt.
- Tu vas où ? lui demanda Roméo, son ami le dingo, croisé en chemin.
- Je
rends visite à mon grand-père, Papou. À son âge, il
a du mal à se déplacer.
- Je
peux venir ?
-
Évidemment.
Papou le vieux kangourou semblait dormir à l’ombre d’un eucalyptus.
Il ouvrit péniblement les yeux en entendant les deux amis approcher.
- Mais
qui voilà ? dit-il joyeusement. Deux kangourous !
- Je
ne suis pas un kangourou, dit Roméo, je suis un
dingo.
- Ah
bon ? Pardon mon garçon, ma vue n’est plus ce
qu’elle était ! Tout est flou autour de moi. Bref !
Alors les enfants, vous êtes pressés de recevoir la
visite du Père Noël ?
Garou parla longuement de l’excitation qu’il ressentait, des cadeaux
qu’il espérait, et son grand-père se régalait à l’écouter. Le vieux
kangourou finit par hocher la tête à plusieurs reprises en répétant
:
-
C’est bien… c’est bien…
Puis son regard sembla se voiler, parti pour des régions lointaines.
-
Quand je pense que le Père Noël, je ne l’ai jamais
vu… Dommage, j’aurais bien aimé. Rien qu’une fois.
Il sembla ensuite se ressaisir et dit :
- Si
vous le croisez, dites-lui bonjour de la part du
vieux Papou !
Lorsqu’ils l’eurent quitté, Garou parut contrarié.
- Non
! conclut-il après réflexion, c’est le Père Noël qui
lui dira bonjour, en personne !
-
Comment ça ? fit Roméo.
- Ce
soir, tu veux bien m’aider ? demanda mystérieusement
Garou.
Son copain Roméo ne pouvait rien lui refuser. C’est ainsi qu’ils se
retrouvèrent, à quelques mètres de l’eucalyptus de Papou, à la nuit
tombée. Garou n’était pas venu les mains vides.
-
Qu’est-ce que tu transportes ? dit Roméo.
- Un
vieux manteau, emprunté chez les fermiers. Je l’ai
roulé dans l’argile pour lui donner une belle
couleur rouge. J’ai aussi trouvé du coton. Avec ça,
on va pouvoir confectionner une belle barbe.
- J’ai
compris ! fit Roméo le dingo. Tu tiens à réaliser le
rêve de ton Papou ! Mais moi, je dois faire quoi ?
- Le
Père Noël est grand, Roméo. Je vais te mettre la
barbe, tu vas grimper sur mes épaules et nous
enfilerons le manteau. Avec ses yeux fatigués, mon
Papou ne pourra pas nous reconnaître !
Aussitôt dit, aussitôt fait. Mais Roméo pesait son poids, et c’est
un édifice branlant qui se dirigea vers l’eucalyptus. Le vieux
kangourou occupait la même place que l’après-midi. Il semblait
dormir.
Prenant une grosse voix, Garou dit :
-
Bonsoir Monsieur Papou, c’est le Père Noël qui te
rend visite !
Papou ouvrit les yeux et se racla la gorge.
- Oh
oh ! Un Père Noël avec des jambes de kangourou, ce
n’est pas banal, ça !
Garou, qui avait du mal à supporter le poids de son copain, tanguait
de plus en plus.
- Tu
es content de me voir ? poursuivit-il pourtant.
- Oui,
dit le vieux kangourou en commençant à rire, je suis
content de voir un Père Noël avec un museau de dingo
!
-
Alors nous allons te laisser ! conclut Garou au bord
de s’écrouler.
Ils réussirent à tenir bon deux minutes de plus avant de chuter sur
le sol poussiéreux, fourbus mais satisfaits d’avoir réalisé le rêve
du grand-père. Le cœur léger, ils retournèrent chez eux et
s’endormirent d’un sommeil paisible.
Le lendemain, avant même d’inspecter le pied de son sapin, Garou,
rejoint par Roméo, alla saluer son grand-père. Les deux notèrent
chez lui un changement…
- Tu
as des lunettes, maintenant ? s’exclama Garou en le
découvrant.
- Oui,
dit son Papou. C’est un cadeau du Père Noël ! Et tu
sais, il est venu me voir !
- Non
! fit Garou.
- Si !
Deux fois ! ajouta le grand-père avec une belle
lumière au fond des yeux. La deuxième fois, quand il
me les a offertes, il tenait un peu mieux sur ses
jambes…
Il se pencha vers Garou et ajouta, en clignant de l’œil :
-
Mais, je vais te dire : des deux, c’est sa première
visite qui restera pour moi la plus magique…
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
|