-
Léon ! Où tu es mon grand ?
- Là, sous tes yeux, maman.
- Ah ! bien sûr, la feuille de bananier devant moi ! Je ne t’avais
pas vu !
- Je sais…
Léon le petit caméléon poussa un soupir qui se perdit dans les
profondeurs de la forêt. Ne pas être vu, c’était sa force puisqu’il
échappait à ceux qui auraient pu lui vouloir du mal, mais c’était
aussi sa faiblesse car parfois, même petit, on a envie d’être vu.
Léon était très doué pour se fondre dans le décor, à son corps
défendant.
Ah ! si Léon le caméléon pouvait être vu de Léone la caméléone ! La
première fois, il l’avait rencontrée au bord de la rivière et son
cœur avait alors battu le tambour car elle se promenait dans un
champ de fleurs qui la transformait en bouquet.
Il s’était avancé sur son chemin, en retenant son souffle, mais elle
était passée à côté de lui sans le remarquer. Il n’avait pas osé lui
adresser la parole, de peur de l’effrayer, et s’en était retourné,
le cœur lourd.
Ensuite, il avait essayé plusieurs fois de l’aborder, mais sans
succès. Parfois, il était près d’elle, tout près, mais elle ne
voyait qu’une pierre grise, ou une feuille verte, ou un sol rouge.
Il était encore resté muet.
Comment aurait-elle réagi si une pierre grise lui avait dit qu’elle
était jolie, si une branche verte lui avait avoué qu’elle était
belle, si un morceau de sol rouge lui avait annoncé qu’il l’aimait ?
Son papa et sa maman vinrent l’embrasser. Ce soir-là n’était pas un
soir comme les autres. Dans la nuit, le Père Noël devait passer.
-
Maman, tu es sûre que le Père Noël rend aussi visite
aux petits caméléons ?
- Sûre
et certaine ! Surtout les gentils, et les plus
gentils s’appellent tous Léon.
- Et
s’il ne me voit pas ?
- Il
n’a pas besoin de te voir pour te trouver…
La nuit lui prouva que sa maman avait raison. Alors qu’une pluie
d’étoiles arrosait encore la cime des plus hauts arbres, il sentit
près de lui une chaleur et ouvrit les yeux. Le Père Noël se tenait
près de lui.
-
Comment te sens-tu, Léon ?
- Vous
me voyez, Père Noël ? s’étonna le petit caméléon.
-
Comme tu me vois ! Je t’ai apporté un cadeau. Et je
voulais m’assurer que je ne m’étais pas trompé. Je
l’ouvre pour toi ?
- Oui,
je veux bien.
Le Père Noël dénoua le ruban qui épousait la forme d’un tube. À
l’intérieur, il trouva une feuille qu’il déroula devant Léon.
-
C’est bien ça que tu voulais ?
- Oui,
exactement ça !
- Une
photo de caméléon, nous sommes bien d’accord ?
- Oui.
Vous ne pouvez pas savoir comme ça me fait plaisir !
Un brin étonné, mais convaincu, le Père Noël se leva.
-
Alors je vais te laisser. Et encore Joyeux Noël,
Léon !
Léon le regarda remonter sur son traîneau et s’éloigner, puis il se
rendormit jusqu’au matin.
Le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel quand Léon
emporta son cadeau près de la rivière, à l’endroit où il avait
rencontré Léone pour la première fois. Il étala sa photo par terre,
se jucha dessus et attendit.
Léone arriva peu de temps après. Elle marcha droit vers lui. Les
tambours s’y étaient mis à plusieurs pour résonner dans le cœur de
Léon. Parvenue devant lui, elle s’arrêta.
-
Bonjour, osa-t-il.
-
Bonjour, lui répondit-elle.
Léon, plus heureux qu’il ne l’avait jamais été, lui demanda :
-
Cette fois, tu me vois ?
-
Pourquoi ? Avant, tu penses que je ne te voyais pas
?
- Ben…
oui ! dit-il, étonné. J’ai même demandé au Père Noël
une photo de caméléon. Je me suis dit qu’en étant
posé dessus, je ressemblerais enfin à un caméléon !
Léone secoua la tête, amusée.
- Ta
photo n’aura pas servi à grand-chose, lui dit-elle.
Avant, je te voyais, mais j’attendais simplement que
tu me parles !
- Si
j’avais su… se désola Léon.
- Ne
sois pas triste, le consola Léone. Parce que, même
timide, ce caméléon qui est devant moi me plaît
beaucoup…
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
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