La
campagne dormait sous la neige. Noël avait planté des étoiles
glacées dans le ciel noir. Engourdi par la tiédeur de son écurie,
Odilon mâchait distraitement quelques brins de pailles tendres en
laissant son regard se perdre à l’extérieur.
- Ça va, chéri ? lui demanda sa maman.
- Pour un âne, oui.
Son papa, qui se tenait près d’eux, soupira.
-
Pourquoi réponds-tu toujours « pour un âne » quand
on te pose une question, Odilon ? Est-ce que tu as
bien travaillé à l’école ? Pour un âne, oui. Est-ce
que tu t’es bien amusé avec tes amis ? Pour un âne,
oui. Tu n’es pas content d’être un âne ?
- Pour
un âne, si. Un peu…
Sa maman se pencha et lui souffla.
- Tu
as tort. Tu es la plus merveilleuse créature de
l’univers.
Odilon sourit, mais sa mélancolie ne disparut pas pour autant. Il se
rêvait… quelqu’un d’autre, quelqu’un de grand, quelqu’un de noble.
Et en cette soirée de réveillon, il avait hâte de recevoir son
cadeau.
Le soir tomba, et Odilon, dont les parents étaient sortis se
promener sous la lune, se coucha sur sa litière. Il avait tellement
hâte d’être au lendemain qu’il s’empressa de fermer les yeux.
À peine s’était-il
assoupi qu’une main le secoua. Il redressa la tête.
-
Bonsoir, Odilon, fit le Père Noël, assis près de
lui.
-
Mais… mais… bredouilla Odilon. On est déjà le matin
?
- Non,
sinon je ne serais pas là. Je tenais à t’offrir ton
cadeau très vite.
Étonné, Odilon déchira
le paquet que lui tendit le Père Noël. Il découvrit, fou de joie, ce
qu’il avait demandé : des bois de renne. Il les posa sur sa tête et
parada dans l’écurie. Enfin, il ne se sentait plus un âne, mais
quelqu’un d’autre.
- Tu
es content ?
- Oh
oui, Père Noël.
- Ce
n’est pas tout. Viens avec moi !
Odilon suivit le Père
Noël. Dehors, ses yeux s’agrandirent. Le traîneau était là, avec son
attelage de huit rennes luisant de sueur dans l’air glacé. Huit
têtes se tournèrent vers lui.
- J’ai
pensé à une chose, dit le Père Noël.
Ses faux bois dressés
entre ses oreilles, Odilon attendit la suite, intrigué.
- Et
si tu remplaçais Tornade, le renne de tête, cette
nuit ?
- Moi
? Je ne pourrai jamais…
- Je
suis sûr du contraire.
Tornade ne laissa pas
à Odilon le temps d’hésiter. Avant qu’il puisse réaliser, l’ânon se
retrouva dans l’attelage. Le Père Noël grimpa sur le traîneau. Avant
de donner le signal de départ, il lança à Odilon :
- Tu
as vraiment besoin de ton cadeau pour la promenade ?
Il risque de te gêner.
-
C’est vrai, dit Odilon, qui abandonna ses bois au
pied de Tornade.
Tout le monde était
prêt. Sur un claquement de langue du Père Noël, l’attelage s’ébroua.
Une minute plus tard, Odilon, en traversant le ciel, aurait presque
pu brouter les étoiles.
La nuit durant, aux
côtés de ses compagnons, il conduisit le traîneau de maison en
maison. Il ne sentait ni sommeil, ni fatigue. Et lorsque la tournée
s’acheva avec l’horizon qui se teintait de rose et que le traîneau
se posa en silence devant son écurie, c’est à regret qu’Odilon céda
sa place à Tornade.
Il serait volontiers
reparti pour une seconde tournée !
- Ça
t’a plu ? lui demanda le Père Noël.
- Oh
oui ! répondit-il, c’était merveilleux !
- Tu t’es montré
infatigable, bravo ! Et tu n’aurais pas été meilleur avec des bois
sur la tête.
Odilon voyait le Père
Noël lui sourire. Il remonta dans son traîneau et lui fit un dernier
signe de la main.
-
Joyeux Noël ! lui cria-t-il en disparaissant.
Odilon coiffa son
cadeau et rentra chez lui. Ses parents étaient levés.
- Oh !
fit sa maman en le découvrant, tu es superbe avec
ces bois ! Le Père Noël t’a gâté, on dirait !
- Tu
sais que je l’ai vu passer dans le ciel, cette nuit
? ajouta son papa. Mais il m’a bien semblé qu’en
tête du traîneau, il y avait un renne bizarre, tout
petit. Il avait l’air de se débrouiller comme un
chef !
- Pour
un âne, oui, dit Odilon avec au fond des yeux une
fierté nouvelle.
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
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