Les
préparatifs allaient bon train autour de Pablo le baleineau. Ses
parents avaient tapissé les fonds marins de coraux fluorescents et
dressé un bouquet d’algues en forme de sapin qui, caressé par les
courants, semblait onduler comme une flamme liquide.
Des coquillages colorés décoraient cet arbre inconnu.
- Il va venir comment, le Père Noël ? s’inquiétait souvent Pablo à
l’approche du réveillon. Il a des palmes et un tuba ?
- Le
Père Noël n’a pas besoin de cet attirail pour
t’apporter un cadeau, répondait patiemment sa maman.
L’eau est pour lui comme un ciel mouillé qu’il
traversera en traîneau sans effort, tu verras.
- Et
Grand-mère, elle est invitée, hein ?
- Ne
t’inquiète pas, elle sera des nôtres.
- Si
elle retrouve le chemin…
Pablo s’inquiétait souvent pour Madeleine, sa grand-mère. Il avait
appris que nombreuses étaient les baleines qui s’échouaient sur les
plages, sans raison apparente et qui, désorientées et donc
incapables de retrouver le chemin des grands fonds, s’échouaient sur
le sable. Plus Madeleine prenait de l’âge, plus il craignait que la
même chose lui arrive.
Souvent, en leur rendant visite, elle s’égarait. À chaque fois il
avait dû la rejoindre et lui indiquer la route.
- Ah !
Pablo, je vieillis, que veux-tu ! s’excusait-elle
alors en glissant dans son minuscule sillage sa
silhouette imposante.
Les heures s’écoulèrent en ce 24 décembre. Enfin, l’eau se fit plus
sombre, l’atmosphère plus recueillie. Avec l’arrivée de sa
grand-mère, Pablo put se détendre et profiter du repas.
Tandis que les plus grands continuaient à profiter des lumières que
répandaient les coquillages sur la robe verte du sapin, Pablo
s’isola et sentit venir la fatigue.
« Je vais fermer les yeux, mais juste un petit moment, se dit-il. »
Puis il cessa de lutter.
À son réveil, il retrouva ses parents au même endroit, comme s’ils
n’avaient pas dormi. Ils lui sourirent.
- On
dirait que le Père Noël est passé ! dit son papa.
Pablo se précipita au pied du sapin. Enveloppé dans un paquet
d’algues tressées, un cadeau l’attendait. Il l’ouvrit et en sortit
deux boîtiers en poussant un cri de joie.
-
C’est bien ce que tu avais demandé ? fit sa maman.
- Oui
! Des talkies-walkies ! C’est génial !
-
Mais, à quoi ça sert ? ajouta Madeleine en
s’approchant.
- À se
parler à distance, Grand-mère ! On le fixe sur son
dos, et même si on est éloignés l’un de l’autre, on
peut communiquer !
- Avec
qui vas-tu jouer ?
- Tous
mes copains ! Firmin le dauphin, Aldo le cachalot !
D’un mouvement de ses nageoires, Pablo se colla contre sa grand-mère
et murmura :
- Tu
veux essayer ?
-
Pourquoi pas !
Pablo fixa les deux boîtiers, l’un sur le flanc de sa grand-mère,
l’autre sur le sien.
-
Éloigne-toi maintenant, lui dit-il.
Madeleine s’exécuta, toute joyeuse. Pablo attendit quelques minutes
avant de lancer :
- Tu
m’entends, Grand-mère ?
- Très
bien, Pablo.
- Où
es-tu ?
- Je
ne sais pas trop…
-
Qu’est-ce que tu vois autour de toi ?
- Il y
a un grand rocher rose à ma gauche, et sous moi une
crevasse en forme de M.
Pablo connaissait à la perfection les fonds de la région. Il en
avait exploré chaque recoin en jouant avec ses copains. Il situa
tout de suite l’endroit.
- Tu
suis la crevasse et quand elle s’interrompt, tu
continues tout droit, dit-il. En un rien de temps,
tu seras revenue à la maison !
- Bien
mon grand !
Bientôt, Pablo vit apparaître Madeleine, surgie des profondeurs
bleues. Il nagea contre son flanc, ivre de joie.
- Je
peux te le dire, maintenant, Grand-mère. Le cadeau
du Père Noël, il est pour nous deux. Toi et moi, on
s’amusera à ne plus jamais se perdre, d’accord ?
Madeleine se mit sur le dos et se frotta contre Pablo. Le baleineau
en profita pour lui glisser :
-
Joyeux Noël, Grand-mère.
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
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