L’univers
d’Alec, c’était le désert. Au matin, il s’ébrouait, pataud, et
gambadait dans le sable posé sur la terre à perte de vue. Le
pointant parfois du bout de la truffe, il visait le soleil en
plissant des yeux. Sous les coussins neufs de ses pattes, il sentait
la chaleur de chaque grain. Mais Alec avait un rêve…
Sa maman, chaque soir, lui lisait un livre dans la fraîcheur de son
terrier. Et à l’approche de Noël, dans des albums qui lui parlaient
du Père Noël, il voyait défiler sur les pages des images inconnues.
- C’est quoi, ça, maman ? demandait-il chaque fois
en tendant la patte.
- De la neige, mon chéri.
- C’est quoi ?
- Du blanc tout froid qui tombe des nuages.
Fasciné, Alec le fennec contemplait, songeur, ces étendues
immaculées, les sapins à longues barbes, les bonshommes au nez de
carotte présentant leur balai comme un fusil…
Et surtout, surtout, une image en particulier : celle d’une armée de
lutins s’affrontant dans une grandiose bataille de boules de neige.
Le lendemain, il prenait du sable au creux de ses pattes et
s’attristait de ne pouvoir lui donner d’autre forme que celle d’un
mince filet qui retournait à la dune.
Alors Alec écrivit sa lettre au Père Noël. Et il lui demanda de la
neige en cadeau, de la neige partout, une tempête de neige sur le
désert. Et il posta sa lettre, convaincu de n’avoir aucun espoir
d’être entendu.
Au lendemain du réveillon, il sortit pourtant de son terrier ventre
à terre. Hélas, comme le jour d’avant et tous les autres jours
d’avant, c’est une gifle de chaleur qui l’accueillit sur le seuil.
Le ciel bleu brûlait toujours et le sable grésillait sous ses
pattes.
- Tu es triste ? lui demanda sa maman en
s’approchant derrière lui.
Alec se blottit sous son ventre.
- Je n’ai pas reçu mon cadeau, renifla-t-il.
- Peut-être, mais tu as reçu une réponse.
Le petit fennec se redressa, tout excité. Une lettre, du Père Noël,
rien que pour lui. Il déchira vite l’enveloppe.
“Cher Alec
J’aurais tellement aimé te faire plaisir en
réalisant ton vœu… Mais de la neige en plein désert,
c’est impossible. Pourtant, en y mettant chacun du
nôtre…
Ce soir, appelle tes amis, et prépare-toi.
Joyeux Noël
Le Père Noël”
Le soir venu, Alec entouré de ses meilleurs copains, fixa longtemps
le ciel au fond des yeux. Sa patience fut récompensée car le bleu
vira enfin au gris, et le désert trembla d’un grondement sourd,
comme si une armée invisible battait la semelle à l’horizon.
Bientôt, d’énormes nuages noirs se déchirèrent au-dessus de leurs
têtes.
Des gouttes s’écrasèrent sur la truffe d’Alec. Elles n’étaient ni
froides ni blanches et dans ses pattes ouvertes, elles formaient des
flaques minuscules qu’on ne pouvait pas lancer en riant à la tête
des copains.
De déception, il poussa un petit cri, s’allongea sur le sable trempé
et y enfonça ses pattes. En le ramenant à lui, il sentit le sable se
ramasser, se durcir. Fébrile, il en pressa une poignée entre ses
deux pattes et forma une boule qui, ô surprise, agglomérée par la
pluie, ne tomba pas en poussière.
Il la jeta en riant vers le plus proche de ses copains.
Et tous l’imitèrent.
Jamais dans le désert on ne vit plus belle bataille de boules de
sable. Elle dura des heures, jusqu’à ce que les nuages emportent au
loin la pluie, abandonnant au désert une équipe de petits fennecs
fourbus.
- C’était mon plus beau Noël ! dit Alec à voix haute
à l’attention du Père Noël. Si vous m’entendez,
sachez que pour vous remercier, on vous prépare une
petite surprise !
Au cours de la nuit qui s’ensuivit, le Père Noël, curieux, ramena
son traîneau à la verticale du désert des fennecs. Et ce qu’il
découvrit le combla d’aise.
Encore protégé par la nuit, un immense bonhomme de sable surveillait
les dunes. À la place de son nez pointait un long cactus.
FIN
Une
histoire écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna
Crainmark
Source :
Enfant.com
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