Bouba était un
petit boa d’Amazonie. Même petit, il était grand car ses parents
boas étaient de grands boas. Quand il dormait, sous le ciel vert des
arbres étouffants, on aurait dit un cerceau oublié par un enfant.
Mais ce jour-là, Bouba
ne dormait pas. Oh que non ! Nous étions le 25 décembre et le Père
Noël était passé dans la nuit pour déposer ses cadeaux. Celui de
Bouba l’attendait au pied d’un bananier dont les grandes feuilles
pendaient comme des mèches au-dessus de lui.
Bouba rampa sur son
cadeau et s’insinua entre deux feuilles. Il contracta ses anneaux et
entendit un déchirement libérateur. Le Père Noël lui aurait-il
apporté le manteau dont il rêvait, lui qui était si frileux ?
Très vite, il
déchanta.
-
Qu’est-ce que c’est que ce truc ? dit-il, surpris
autant que déçu. C’est une blague ?
Au milieu du papier
déchiré, il découvrit deux paires de gants assorties, avec des
renforts sur les paumes.
- Des
gants ?
Bouba vérifia d’un
coup d’œil méthodique qu’aucune main ne lui avait poussé sur le
corps pendant la nuit, puis il grommela :
- Déjà
que je ne saurais pas quoi faire d’une paire, il
m’en offre deux ?
La déception remplaça
bientôt la surprise. Il abandonna son cadeau inutile au pied de
l’arbre et rampa jusqu’à la rivière pour y laisser couler quelques
larmes amères.
À peine arrivé, il
entendit un hurlement qui sembla ricocher sur le sommet des arbres.
- Hé !
Bouba ! T’es où ?
Touba, son meilleur
copain, était un singe hurleur à grosse voix. Il était vraiment très
doué pour hurler. À l’école, c’est lui qui hurlait la fin des
récréations. Surgi de la masse verte, il atterrit auprès de Bouba.
Petit boa lui trouva
une drôle de tête.
- T’en
fais une drôle de tête, lui dit alors Touba.
- Toi
aussi. T’as eu ton cadeau de Noël ?
- Ne
m’en parle pas ! Tu sais ce que c’était ? Une
écharpe ! À quoi ça va me servir pour bricoler, une
écharpe ?
Touba adorait
bricoler. Il construisait des cabanes perchées dans les grands
arbres. Mais à force de manipuler des branches, de les briser, de
les attacher à l’aide de lianes rêches, il s’abîmait souvent les
mains.
- Tu
avais demandé quoi ? demanda Bouba.
- Des
gants.
Le regard de Bouba
s’éclaira.
- J’ai
une bonne nouvelle pour toi : j’en ai reçu, et deux
paires, même ! Ils ne vont pas beaucoup me servir.
Je te les donne, si tu veux.
- Avec
plaisir ! hurla Touba.
- Si
tu me ramènes chez moi, ils sont à toi, déclara
Bouba.
Cette promesse ne
tomba pas dans l’oreille d’un singe sourd. Touba attrapa Bouba et
l’enroula autour de son cou comme une écharpe pour, de branche en
branche, voler jusqu’au bananier où l’attendaient les gants promis.
En essayant les quatre, il hurla :
- Je
vais enfin pouvoir bricoler sans me blesser !
- Si
j’avais des mains, je me boucherais les oreilles,
rigola Bouba, content que son cadeau plaise à son
ami.
- Et
si je te donnais le mien ? dit Touba.
- Très
drôle ! Il faut des mains pour enfiler des gants,
mais il faut aussi des mains pour nouer une écharpe
!
- Je
t’aiderai. Et au moins, tu n’auras pas froid au cou.
- Il
s’arrête où, mon cou, petit rigolo ?
Mais Touba était déjà
reparti. Quelques minutes plus tard, il revint, une magnifique
écharpe rouge autour du cou. Il la posa devant Bouba, qui écarquilla
les yeux.
- Elle
te plaît ? demanda son copain.
- Il
me plaît, tu devrais dire…
Et Bouba se glissa à
l’intérieur du serpent de tissu qui épousa son corps de petit boa.
Seule sa tête en ressortit.
-
C’est mon manteau que tu as reçu, pas une écharpe !
dit-il en riant. Bouba, Touba, le Père Noël a
confondu nos deux prénoms, il a échangé nos cadeaux
!
Dans la jungle, on
entendit un singe hurler son rire, et un petit boa essayer de
l’imiter.
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
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