L’aube
donnait au monde du rose aux joues. Planant au-dessus des sapins, le
traîneau du Père Noël se préparait à atterrir.
Quand le domaine fut enfin en vue, il perdit de l’altitude jusqu’à
ce que les skis touchent la neige et y tracent deux traits
parallèles comme l’aurait fait une énorme fourchette dans de la
guimauve.
Avant de descendre, le Père Noël leva les bras et s’étira
longuement. Il sentit naître les courbatures. Dans combien de
cheminées s’était-il glissé ? Combien de hottes avait-il remplies,
transportées, vidées ? Un nombre incalculable au cours de cette nuit
magique qui touchait à son terme.
Un bataillon de lutins vint libérer les huit rennes fourbus de leurs
attaches. En groupe, ils s’ébrouèrent dans la neige. De son côté, le
Père Noël voulait rester un peu dans son traîneau pour prolonger ce
moment. Car des milliers d’images l’assaillaient comme de petits
morceaux de rêves déchirés qui volent au vent. Et sur ces images,
des visages le regardaient, ceux des milliers d’enfants auxquels il
avait rendu visite et qu’il ne retrouverait pas avant une année
entière.
Oui, il suffisait au Père Noël de fermer les yeux pour voir de
nouveau s’agrandir ceux d’Odilon l’ânon, de Sidonie la souris, ou
pour apercevoir une dernière fois le bonhomme de sable façonné en
plein désert par Alec le fennec, ou encore Manolo l’escargot perché
sur le ski du traîneau, ou encore les lettres géantes qui
inscrivaient les prénoms d’un castor, d’un grizzli et d’un caribou
sur la cime d’une forêt.
Le Père Noël ne voulait pas ouvrir les yeux, il tenait à garder ces
images encore un peu au chaud sous ses paupières, car elles étaient
son cadeau de Noël à lui, sa récompense pour avoir été sage, son
trésor personnel.
Il les ouvrit pourtant, sur l’horizon qu’escaladait le soleil d’un
jour nouveau, et descendit du traîneau pour laisser Philippin, un de
ses lutins, en inspecter l’intérieur. Il n’alla pas loin…
- Père
Noël ! Vous avez oublié de donner un cadeau !
Le Père Noël se retourna. Philippin, dont le visage exprimait un
grand embarras, brandissait un paquet entouré d’un ruban
grossièrement noué. Le Père Noël eut une bouffée d’angoisse à l’idée
que quelque part, par sa faute, un enfant pouvait en ce moment même
verser des larmes de déception. Mais comment pouvait-il avoir oublié
un cadeau ? Ça ne lui était jamais arrivé !
En quelques enjambées, il rejoignit Philippin qui lui confia le
paquet. Le Père Noël l’examina attentivement. Très vite, il comprit
que ce n’était pas un des siens. Il se gratta le bonnet d’un air
songeur.
- Où
l’as-tu trouvé ? demanda-t-il à Philippin.
-
Derrière votre siège.
- Hmm…
fit le Père Noël. Et bien, ouvrons-le ! Quand nous
saurons ce qu’il contient, nous y verrons peut-être
un peu plus clair !
Il défit le ruban, arracha le papier. Une lettre était pliée en deux
et collée sur la petite boîte en carton qu’ils découvrirent.
“Cher
Père Noël
Avant que vous ne repartiez, je me dépêche de vous
transmettre mon courrier. Avec William, Edmond et
Eusèbe, on voulait vous faire un cadeau parce qu’il
n’y a pas de raison que ce soit toujours dans le
même sens ! Je m’en occupe pendant qu’ils vous
retiennent.
Nous n’avons pas grand-chose sur place, alors j’ai
dit un grand merci dans la boîte avant de la
refermer. Normalement, vous devriez l’entendre en
l’ouvrant.
Il est pour vous, de ma part, de la part des
copains, et de la part de tous les enfants qui
n’auront pas eu l’occasion de vous le dire, mais qui
le pensent comme nous.
Bisous
Enzo l’éléphanteau”
Le Père Noël ouvrit la boîte avec précaution. Comme promis, un merci
s’en échappa, qui se logea dans son cœur où il s’installa pour
longtemps. Il rendit la boîte à Philippin, en évitant de croiser son
regard.
- Bien
! lança-t-il d’une voix que l’émotion faisait
trembler, je crois que nous avons un Noël à
préparer. Celui de l’an prochain !
FIN
Une histoire
écrite par Stéphane Daniel et illustrée par Johanna Crainmark
Source :
Enfant.com
|